Grabuge dans la Breizhmanif à Nantes

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Cette photo, c’est ce qu’on aimerait retenir de la manifestation de ce samedi 24 septembre : un élan de solidarité entre les manifestants en faveur de la réunification administrative de la Bretagne et ceux qui réclamaient plus de démocratie au Gabon. Hélas, la mobilisation qui a réuni dans les rues de Nantes entre 2500 personnes (selon la préfecture) et 10 000 (selon les organisateurs) pour la réunification de la Bretagne a surtout été remarquée par la présence, inédite, d’un cortège d’extrême-droite conduisant au départ d’une partie des manifestants.

Avec quelques milliers de manifestants, le premier constat à retenir de la mobilisation de ce samedi pour l’intégration de la Loire-Atlantique à la Région Bretagne est celui dun retour à un noyau dur de manifestants. Les dernière mobilisations de 2014 avaient cassé cette routine de mobilisations faibles (sans pour autant être ridicules) en mettant dans la rue des dizaines de milliers de personnes. Cette situation exceptionnelle était due à un contexte politique particulier, marqué par une réforme territoriale donnant l’espoir d’une porte ouverte vers une réorganisation cohérente des régions et de leurs limites administratives. La déception de cette réforme aura été à la hauteur de l’espoir qu’elle avait suscité. La loi votée, il n’est pas étonnant de voir la mobilisation baisser sans pour autant être négligeable. Les mobilisations de 2014 avaient montré que l’on ne peut pas faire n’importe quoi de la Bretagne, celle de 2016 que la revendication est toujours vivace.

Néanmoins, fait inédit en 40 ans de mobilisations pour la réunification, la manifestation a été gâchée par un cortège d’extrême-droite composé d’une grosse cinquantaine de personnes qui s’est imposé sans difficultés. Formés en un groupe compact composé presque exclusivement d’hommes, les militants d’extrême-droite se sont rapidement positionnés pour occuper une place de choix dans le cortège. Les tensions et des bousculades n’ont pas tardé à se manifester lorsque les militants de l’UDB et d’autres manifestants qui se sont rassemblés devant eux. Dès que le cortège s’est élan, les slogans xénophobes et islamophobes ont retenti dans les rangs de l’extrême-droite. La presse locale a relevé des slogans comme : « Jeunesse bretonne, anti racaille! »,  « Dealers hors de Bretagne ! », « Socialistes gardez vos dealers ! », « Ni Paris, ni l’Afrique, ici c’est la Bretagne ! » ou encore « Dehors les crasseux, va voir à Bellevue [ndlr : quartier populaire de Nantes] s’ils veulent de toi! ». Les militants de l’UDB et de Breizhistance ont alors décidé de quitter le cortège refusant de battre le pavé aux côtés de l’extrême-droite et d’être associés à leurs idées nauséabondes. Au retour de la manifestation à son point de départ, place de la Petite Hollande, d’autres manifestants se sont également opposés au cortège des identitaires.

Cette situation est une première dans le mouvement pour la réunification qui n’avait jamais été confrontée à une telle présence de l’extrême-droite. Celle-ci, portée par un climat politique et médiatique, par une poussée dans les urnes ici et dans toute l’Europe n’hésite plus à s’affirmer. Par ailleurs, et alors que c’était jusqu’alors une tradition, aucun appel n’a été lancé par les organisateurs en amont de la mobilisation pour signifier à l’extrême-droite qu’elle n’était pas la bienvenue. Les groupes identitaires, dans ce contexte, n’ont donc pas hésité à s’organiser pour être présent et venir distiller leur vision étriquée et excluante d’une conception de l’identité bretonne qui n’est pas celle du mouvement breton.

Avoir accepté de lancer le cortège alors qu’un groupuscule d’extrême-droite était présent est une erreur. Les militants bretons, souvent accusés à tort d’être « communautaristes » sont soumis à une nécessité d’irréprochabilité face à l’extrême-droite qui est l’instrument de ceux qui veulent discréditer le mouvement breton. Les événements qui se sont produits samedi jettent l’opprobre sur le mouvement pour la réunification et ne manquera pas d’être utilisé par ceux qui veulent le ranger dans le camp des identitaires. Bien que Bretagne Réunie ait déclaré, suite à la manifestation, condamner « fermement les propos injurieux et les slogans racistes proférés par quelques personnes immiscées dans le cortège », le mal est fait. Les prochaines mobilisations devront être extrêmement claires et préparées en amont pour ne plus laisser la place à l’extrême-droite.

> Ar Skridaozerezh / La Rédaction

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