En cette veille de manifestation pour la réunification de la Bretagne, Michel Beaupré, responsable fédéral de l’UDB Loire-Atlantique a adressé une lettre ouverte à Philippe Grosvalet, président du conseil départemental du 5e département breton. Nous en publions l’intégralité.
Monsieur le Président et Cher Philippe,
En mai 2014, alors que l’on croyait que s’était engagé un vrai débat sur la réorganisation du territoire français, afin d’en rendre les acteurs plus efficaces sur le plan administratif et surtout économique, tu déclarais qu’en cas de changement de limites régionales “si la Loire-Atlantique ne se retrouvait pas avec la Région Bretagne, je proposerai d’organiser un référendum local“. Des détracteurs s’étaient alors empressés de répondre que ce ne serait pas possible et dans le même temps avaient effectivement bien veillé à ce que le droit d’option, pour qu’un département change de région, soit quasi verrouillé. La dernière consultation voulue par le Premier Ministre et concernant le transfert de l’aéroport a montré qu’en France, en fait, il existait beaucoup de possibilités de contourner la loi pour trouver des solutions, quand on en avait la volonté et quand la décision venait de Paris.
Ce mercredi 21 septembre, j’étais à Savenay au moment où le maire invitait ses conseillers à venir honorer de leur présence la montée du drapeau breton sur le parvis de la mairie, au coté des drapeaux français et européen. Dans son discours, il a mis en avant l’unité de la France qui s’était construite sur ses différences et sur l’apport des identités régionales qui en constituaient sa grande richesse. Combien de drapeaux bretons flottent sur la Loire-Atlantique ; sur les mairies, l’hôtel du département, les rues et les commerces des villes, dans les manifestations, les stades, les plaques d’immatriculation des voitures ? Des multitudes !
Samedi 24 septembre, un nouvelle manifestation pour demander la réunification bretonne va se tenir à Nantes. Dans le même temps les professionnels du tourisme de Loire-Atlantique, mettent de plus en plus en avant la spécificité bretonne de notre département, en indiquant sur leurs sites ou leurs publications, les termes : “Midi de la Bretagne, Sud Bretagne, Bretagne Méridionale…”
Dans un article de Presse-Océan de mars 2016, Franck LOUVIER, président du comité du tourisme des Pays-de-la-Loire indique que “le contrat de destination” sur Cap Atlantique s’appellera “La Baule Bretagne Sud”. Jean BLAISE, directeur du Voyage à Nantes, explique, dans le Ouest-France du 1er juin, la création en 2017 du “Voyage à Nantes Bretagne” en disant clairement que le seul nom qui parle à l’international est “Bretagne”.
De plus en plus de vignerons du Pays Nantais refusent de payer leurs cotisations à Interloire qui met en place une politique qui favoriser l’appellation “Vin du Val de Loire” au détriment de la spécificité du vignoble nantais qui décline et perd des marchés, y compris sur la région de Bretagne administrative. Chez les restaurateurs ou dans les grands festivals, l’image est brouillée et on n’est plus capable d’associer le plateau de fruits de mer avec le traditionnel muscadet. En Alsace, une choucroute alsacienne sans Riesling ne viendrait pas à l’esprit des consommateurs. Durant le mois de juillet, j’ai eu l’occasion de me rendre à Rennes dans un hypermarché qui, à grand renfort de publicité, faisait la promotion du sel des Pays-de-la-Loire, nouvelle appellation voulue (exigée) par la région du même nom pour le sel de Guérande. J’ai écouté, éberlué, un client potentiel déclarer au vendeur “ah ben moi, je préfère acheter du sel de mer, pas celui de la Loire !“.
Tes prédécesseurs qui, en 1957, avaient voulu, avec la chambre de commerce, changer le nom de Loire-Inferieure en Loire-Atlantique pour l’ouvrir vers l’océan et le monde, doivent se retourner dans leur tombe de voir que, 60 ans plus tard, tout est à refaire par la faute de technocrates parisiens, aidés par des politiques conservateurs et frileux qui ne voient la France que par Paris et les grands états majors politiques parisiens, déconnectés des réalités de terrain. Ce sont ces mêmes personnes qui attribuent 70% des subventions pour le développement culturel à la seule région Île-de-France en parlant d’égalité des territoires.
Il est grand temps de revenir sur ce découpage aberrant et contre-productif, des trois régions administratives : Bretagne administrative, Pays-de-la-Loire et Centre-Val de Loire. Comment les Pays-de-la-Loire peuvent-ils se prévaloir de l’identité Val de Loire pour les investisseurs de tout ordres, le tourisme, le vin, le sel, etc… alors que ce nom correspond à celui d’une autre région bien identifiée ? Comment la région administrative Bretagne peut-elle se revendiquer du nom de Bretagne alors qu’on l’a amputée d’un cinquième de son territoire connu et reconnu par tous ? Dans ces trois régions, il y en a une de trop qui ne représente rien malgré les sommes immenses dépensées pour sa promotion ou pour se créer une identité (mot qui fait pourtant si peur lorsque l’on parle de la Bretagne, mais ne gêne personne, même quand ça vire au ridicule avec le fameux hymne des PDLL). Notre département est entraîné dans cette gabegie et se sent obligé de se chercher, lui aussi, une identité plus porteuse ; n’est-ce pas le sens de la campagne que tu as annoncé en mai dernier ?
La Loire-Atlantique, comme le reste de la Bretagne, vote à gauche et ne mérite pas cette double peine qu’on lui inflige en la coupant de sa région d’origine et en lui imposant une politique de droite, la plus réactionnaire qui soit, avec à la tête de la région Monsieur RETAILLEAU. La gauche a besoin de se retrouver avant les échéances qui nous attendent dans l’année qui arrive. Ce n’est pas en pactisant avec ceux qui refusent, en France comme ici, de voir et d’écouter le terrain que nous convaincrons les électeurs. La France a besoin d’air et de respiration ; ses régions, de territoires cohérents et de moyens accrus. Paris et les décisions des élites parisiennes l’étouffent et brisent sa créativité et sa compétitivité. Au congrès du Parti Socialiste en 2015, Johanna Rolland disait : “C’est en assurant une réelle participation citoyenne aux décisions qui concernent nos territoires que nous sortirons de cette crise de la représentation“. ; en juin 2016, Karine Daniel n’a été élue députée qu’avec 12,5% des inscrits ; il y a urgence.
Monsieur Le Président et cher Philippe, donne toi les moyens de taper du poing sur la table et de dire : ça suffit, n’éludons plus cette question… Aies le courage politique de lancer une vaste réflexion honnête et une consultation sur ce problème qui est bien autre chose qu’une simple revendication de “pèlerins” comme le disait avec mépris Jean-Pierre CHEVENEMENT il y a quelques années ; il en va de l’intérêt du département et de la volonté de ceux qui y travaillent… L’Union démocratique bretonne sera à tes côtés dans cette démarche que nous réclamons.
L’Histoire doit retenir qu’au lieu d’avoir été le fossoyeur de l’identité bretonne du département de Loire-Atlantique, tu auras été celui qui aura permis de réparer une injustice.
Sentiments socialistes et bretons.
Michel BEAUPRÉ, responsable fédéral de l’UDB Loire-Atlantique.