Il y avait du monde à se bousculer en cette matinée de dimanche 18 septembre à Langrolay-sur-Rance à l’occasion des journées du Patrimoine. Et pour cause : l’équipe de l’INRAP (Institut national de Recherche archéologique préventive) du site présentait alors le travail réalisé depuis le 18 juillet, à savoir la fouille du site qui recèle des vestiges gallo-romains datant du premier siècle de notre ère. C’est donc la présence d’une grande ferme gallo-romaine, à comprendre comme un domaine aristocratique, qui est ici mis à jour et cela grâce aux archéologues.
L’INRAP s’inscrit dans un travail de préservation des données archéologiques d’un site en prévention d’un chantier. Dans le cas du site de Langrolay, c’est la direction régionale des affaires culturelles qui a demandé à l’INRAP en 2014 d’établir un diagnostic du périmètre en vue de la construction d’un lotissement. C’est là que des indices ont révélé l’existence d’un site antique nécessitant plus de renseignements.
C’est alors que l’INRAP a commencé les fouilles sur un périmètre de 2000 m2 révélant alors des fondations portant sur 1500 m2. Une découverte archéologique qui s’inscrit dans une certaine logique du fait de la présence avérée de populations gallo-romaine dans la zone comme en témoigne la cité de Corseul à moins de 20 km de là.
Pour faire ressurgir ce passé, plusieurs étapes ont été scrupuleusement respectées. Pour ce faire, il faut tout d’abord procéder à un décapage, c’est-à-dire qu’on enlève environ un mètre de terre non exploitable archéologiquement, car labourée par l’homme, afin d’arriver sur un sol rocheux. Ensuite, vient pour l’archéologue la mission de repérer toute trace d’éventuelles anciennes bâtisses.
Le bois étant un matériau fréquemment utilisé pour ces raisons, on peut remarquer des traces plus sombres sur le sol. De là, une levée topographique est effectuée puis et une analyse des composants. Le souci est l’imprécision des indices. Le rôle de l‘archéologue sera alors d’interpréter au mieux ces indices avec le concours de spécialistes. Les études sur les céramiques ou les divers pollens prélevés servent à dater, à préciser le lieu et aussi à comprendre la composition de la flore à cette époque.
En un été, le site de fouille révèle plusieurs édifices : une cour entourée par le corps de bâtiment principal à l’ouest tandis que des galeries parallèles l’une de l’autre ceinturent cette cour par le nord et le sud. La partie est, quant à elle, devait comporter un mur vraisemblablement. Des écuries, un puits et des monuments funéraires sont aussi présents dans le périmètre de fouille.
Mais le clou de cette visite, ce sont les fondations des thermes très bien conservées. Là encore, si on a encore des traces c’est parce que ce genre de constructions supposait de creuser profondément afin de créer un espace vide pour laisser passer la chaleur nécessaire aux bains chauds. L’entrée à ces thermes se faisait par l’arrière de la demeure, du côté Nord, via la palestre. Dans cette salle, les personnes exerçaient des abductions puis gagnaient les thermes.
Avec plus d’une dizaine de salles et cinq bassins, les thermes sont extrêmement présents sur ce site. Après avoir déposé leurs affaires dans l’ « apodyterium », c’est-à-dire le vestiaire, les convives se dirigent vers le premier bassin froid « pédiluve » pour ensuite gagner le prochain bain chaud appelé le « caldarium ». Les différentes salles et bassins chauffés différemment permettent à la fois d’évacuer les toxines du corps lorsque le milieu est chaud et d’améliorer la circulation sanguine lorsque le milieu est froid. Ainsi les thermes ont une fonction hygiénique, mais pas uniquement ! En effet, le maître de maison (« dominus ») y invite aussi ses convives. Ils discutent alors de nombreux sujets, que ce soit des affaires ou encore de politique faisant de cet endroit un lieu de sociabilité.
Quelques fragments de décoration des thermes ont été retrouvés sur lesquels on retrouve des enduits des coquillages qui définissent un style bien locale nommé « style armoricain », bien que le terme laisse perplexe les spécialistes comme nous le racontait un archéologue sur le site. Ajoutons à cela un morceau de fresque qui montre clairement une influence de la culture gréco-latine.
Il est facilement compréhensible de se dire que les divers éléments de cette grande ferme n’ont pas été construits au même moment. On peut imaginer qu’un tel lieu est vu une évolution durant plusieurs siècles. Cependant, les archéologues pensent que le lieu a cessé d’être habité aux alentours du 4e siècle. Les raisons économiques et politiques sont soulevées étant entendu que l’empire romain se dirigeait à cette date vers sa fin en raison des migrations venus de l’est de l’Europe et d’une grand instabilité politique. Dans ce contexte, le lieu est abandonné et les habitants environnant profitent de leur départ pour récupérer les pierres à leur propre fin. C’est un cas récurrent. Des pierres du temple de Mars, situé également à Corseul, avait été retrouvées dans d’autres bâtisses construites bien plus tard tandis qu’un pan de mur nous est resté.
Dans le cas de cette demeure aristocrate, on peut penser que c’est une villa secondaire. Ses propriétaires ayant pour chef-lieu la cité des Coriosolites (Corseul), la tribu gauloise vivant sur ses terres. Notables gaulois ou romains ? Là encore, il manque des indices pour le savoir. Néanmoins, construite au 1er siècle après JC, la thèse d’une romanisation des élites gauloises est fondée. Mais quoi qu’il en soit, c’est bien un mélange de cultures qui a été découverte. Comme quoi, nos ancêtres n’étaient pas uniquement gaulois, comme le prétendent certains !