Décès d’Hillion : algues vertes ou pas ?

hillion

Un nouveau décès tragique s’est produit le 8 septembre à l’embouchure du Gouessant à Hillion, là même où en 2011, 36 sangliers avaient été retrouvé morts. Cette fois, c’est un joggeur qui a été retrouvé à moitié enfoncé dans la vase, face contre terre, probablement victime d’une crise cardiaque. Il aurait tenté de sauver son chien envasé, mais le chien lui s’est libéré et c’est son retour tout seul qui a donné l’alerte à la famille.

« Nous pensons qu’il a voulu secourir l’animal qui s’était envasé et qu’il a alors été victime d’une défaillance respiratoire », indique Patrick Lewden, procureur adjoint, dans le Télégramme. Le décès par crise cardiaque ne semble pas faire de doute, mais quelle en est la cause ? S’il y a eu défaillance respiratoire, pourquoi ? La famille a, elle, de son côté, refusé l’autopsie.

Un éventuel lien avec les algues vertes en putréfaction est écarté également par le procureur adjoint : « La présence d’algues n’a pas été constatée autour du corps de la victime. Ce qui est normal, puisque le ramassage est effectué conformément aux arrêtés préfectoraux » annonce-t-il toujours dans le quotidien régional.

Certes, mais même en l’absence d’algues vertes en surface, des algues en putréfaction dans la vase peuvent très bien former des poches de gaz dans cette même vase ! C’est ce qui a fait réagir très vite deux associations de défense de l’environnement (Halte aux marées vertes et Sauvegarde du Trégor) en envoyant une lettre au procureur :

« A la lecture de la presse régionale nous découvrons vos prises de positions sur la mort d’un joggeur à Hillion, qui nous laissent perplexes. Rendus sur les lieux de cet accident tragique samedi 10 septembre, nous avons constaté les faits suivants :

– présence persistante d’algues vertes partout dans et aux abords du Gouessant ;

– décomposition des algues dans la vase lui donnant cette couleur noire caractéristique avec conséquemment dégagement d’hydrogène sulfuré dont nous avons pu mesurer une concentration allant jusqu’à 360 ppm,[…]

Ces faits sont en complète contradiction avec vos déclarations. Par ailleurs, telle n’est pas notre surprise de vous entendre qualifier d’énigme la mort de sangliers dans cette zone en 2011 alors que deux rapports, ceux de L’ANSES et de l’INERIS, ont clairement identifié comme hautement probable le décès des animaux par inhalation d’hydrogène sulfuré issu de la putréfaction des algues vertes. […]

C’est pourquoi nous vous saurions gré de bien vouloir nous indiquer les motifs qui vous ont conduit à écarter d’emblée la présence d’hydrogène sulfuré sur les lieux comme cause de la mort de la victime. […]

Le président de Sauvegarde du Trégor, Co-président de Halte Aux Marées Vertes.

On peut signaler que si une concentration d’H2S à 360 ppm (parties par millions) a vraiment été constatée, les tables publiées par l’INERIS (Institut national de l’environnement industriel et des risques) nous indiquent qu’une exposition à un tel taux a des effets irréversibles en moins d’une minute et mortels en moins d’une heure. Et si le joggeur s’est embourbé dans la vase, il a pu crever une poche de gaz et être exposé à des taux d’H2S nettement supérieurs aux 360 ppm mesurés en surface entraînant un effet létal en un temps beaucoup plus court.

Du coup, retournement de situation avec Bertrand Leclerc, procureur de St Brieuc qui prend le contre-pied du procureur adjoint : « J’ai demandé aux enquêteurs d’auditionner tous les gens intervenus sur place ce soir-là, ainsi que les membres de la famille qui ont découvert le corps ». Il est rejoint dans ses doutes par Thierry Burlot, vice-président chargé de l’environnement à la Région qui avoue ne pas être sûr que l’on mesure bien la dangerosité des vasières qui sont des lieux de décantation de la matière organique.

Des positions beaucoup plus mesurées que celle du maire d’Hillion qui dénonce « un comportement totalement déplacé et irrespectueux vis-à-vis de la famille ». Comment le fait de se poser des questions pourrait-il être déplacé et irrespectueux ? La famille a refusé l’autopsie, c’est tout à fait son droit et ce choix est tout à fait respectable. Mais si le décès était dû à des poches d’H2S, cela voudrait dire qu’il y aurait des risques pour toute personne qui s’aventurerait sur la vasière. D’autant que les deux associations écologiques rappellent dans leur courrier au procureur qu’elles s’interrogent sur l’absence totale sur les lieux de signalisation appropriée mentionnant ces dangers comme cela se fait en plusieurs endroits.

On n’a probablement pas fini d’entendre parler de la nouvelle affaire d’Hillion.

 

> Christian Pierre

Né en 1949, Christian PIERRE est membre de l'UDB depuis 1977. Très engagé pour la Bretagne, il est très investi aussi dans les Droits de l'Homme, comme à l'ACAT (ONG chrétienne de lutte pour l'abolition de la torture et contre la peine de mort) dont il est animateur du Groupe Quimper-Cornouaille. Il milite enfin pour les droits du peuple palestinien.