Les Vieilles Charrues 2016 ont vraiment été un grand cru. Le Président Jean-Luc Martin, croisé samedi après-midi au détour d’une allée, avait déjà un grand sourire. Le programmateur, Jean-Jacques Toux, nous confiait : « Pour moi, ce festival, c’est le meilleur des 25 ans ! ». Le soleil éclatant a incité l’organisation à mettre en œuvre le plan canicule impliquant le distribution gratuite d’eau sur tout le site.
Et pourtant, il nous faut bien sûr revenir sur les événements de Nice qui avaient, dès la nuit de jeudi à vendredi, fortement perturbé les organisateurs dans leur constant souci de sécurité. Le vendredi midi, ils tenaient une conférence de presse avec la sous-préfecture pour annoncer les nouvelles mesures, avec en particulier la fouille de tous les véhicules et et passagers arrivant sur le site. Une autre mesure, la sécurisation du boulevard Jean Moulin, grande ligne droite longeant le site. Pour ceux qui ne connaissent pas, le boulevard est partagé en deux par de hautes barrières sur toute sa longueur, une moitié réservée à tous les véhicules de secours et l’autre aux milliers de piétons se rendant sur site. Il était donc facile d’imaginer une action du type Nice. La solution fut vite trouvée : à chaque extrémité, sur chacune des deux voies, deux gros blocs de béton en chicane empêchait toute possibilité d’un camion fonçant sur la foule. Pour l’anecdote, les blocs de départ étaient trop serrés et un fourgon de gendarmes voulant quitter le site en remontant la file piétons s’est retrouvé bloqué en bout de course. Les choses ont été rectifiées après. Un peu étonnant aussi de voir une voiture de gendarmes s’arrêter sur le bord du boulevard et de voir trois « Men in Black » en descendre, chacun un fusil Famas dans les bras.
Les événements de Nice étaient dans toutes les têtes, dont celles des artistes, qui ont tous à leur façon rendu hommage aux victimes, comme Polnareff pendant son concert qui a été suivi de la minute de silence à l’instigation des responsables du Festival, comme The Avener et Louane reprenant chacun « Imagine » de Lennon, comme Souchon très ému sur scène, etc.
Puisqu’on arrive aux artistes, parlons justement du Festival lui-même. Aucune déception cette année (du type Bob Dylan en 2012…). Pour parler de la partie francophone, que ce soient les Insus, Polnareff, Souchon-Voulzy, etc, le courant est passé avec le public. Si Louane n’a pas fait l’unanimité, c’est avant tout une question d’âge, car les plus jeunes l’ont plébiscité ! Pour revenir au duo Souchon-Voulzy, quand le 1er chante « le bagad de Lann Bihoué », quand le 2ème chante « Belle-Ile en mer » ou brandit un grand Gwenn ha Du à la fin du spectacle, le public exulte.
Dans les coups de cœur 2016, il y a bien sûr Ibrahim Maalouf, en véritable osmose avec le public. Le point d’orgue a été le moment où il s’est insurgé contre la mairie de St Malo qui a coupé toute subvention à l’école de musique de la Côte d’Émeraude (comme à Quimper où la municipalité a coupé les vivres au centre d’art contemporain « le Quartier » obligé de fermer en licenciant 7 personnes). Alors Ibrahim a fait monter sur scène et jouer avec lui les élèves de l’école dont les plus jeunes ne devaient guère excéder 5 ou 6 ans. Beaucoup d’émotion !
De l’émotion aussi avec Denez [Prigent] dont le dernière venue aux Charrues remonte à 1999 dans une formule alors électronique. Son retour (dans la ville qu’il connaît bien pour y avoir enseigné la langue bretonne au début des années 90) s’est fait dans un concert beaucoup plus traditionnel et, répétons nous, plus chargé d’émotion. Dans sa conférence de presse d’après concert, Denez a expliqué que si sa carrière de chanteur était due à sa grand-mère qui avait un grand répertoire de Sonioù, son passage à Carhaix lui avait permis alors de rencontrer Eugénie Goadec et que bien sûr cela l’avait beaucoup marqué !
Les Charrues, c’est aussi le chapiteau Gwernig, dédié à la musique bretonne, mais pas qu’à elle ! Pour preuve, le groupe « Feiz Noz Moc’h » (et oui, Feiz et pas Fest), groupe où des gascons jouant de la vielle à roue ou d’un surprenant tambourin à cordes accompagnent au chant Lors Landat (connu via Alambic electric, puis Landat Moisson Quintet etc.) dont l’énergie sur scène est bien connue des amateurs ! Et puis une découverte Charrues, « Jambinai », groupe sud-coréen. Difficile de classer leur musique. Ils sortent des sons envoûtants à partir de deux instruments locaux à corde bien traditionnels dont nous ne saurions donner le nom, accompagnés de deux guitare électriques.
Pour terminer, revenons sur l’organisation des Charrues et les améliorations. Un effort est fait depuis longtemps pour l’accueil des personnes en situation de handicap quel qu’il soit.
Lorsqu’en 2013, Le Peuple breton avait rencontré Quentin Sibéril, responsable d’Ecocharrues, il nous avait dit « travailler sur un projet, celui de l’installation dans le sol en face des scènes de boucles à induction magnétique. Toute personne placée à l’intérieur de ces boucles pourra, grâce à un casque adapté ou tout simplement à l’aide de son propre appareil de correction auditive, profiter des concerts dans des conditions optimales d’audition ». Cela a été fait, et depuis 2014 quatre boucles magnétiques sont installées à proximité des scènes Glenmor, Kerouac, Grall et Gwernig. Ce système d’aide à l’écoute permet aux malentendants équipés d’un appareil auditif (position T ou MT) de profiter pleinement des concerts en évitant les interférences des bruits avoisinants. Chacune d’entre elles émet dans des zones de 170 m² à proximité des régies. Et une extension de la boucle « Glenmor » a été installée autour de la plateforme réservée aux handicapés.
Le dimanche après-midi, Jean-Luc Martin, président, Jérôme Tréhorel, directeur, Jean-Jacques Toux et Jeanne Rucet, programateurs, ont tenu la conférence de presse de fin de festival. Le chiffre 2016 : 278000 entrées payantes. Record battu! Mais Jean-Luc Martin a bien insisté sur le fait que cela ne serait pas possible sans une grosse infrastructure, surtout dans les circonstances actuelles. Les Charrues, c’est 6500 bénévoles, mais c’est aussi 600 personnes des services de sécurité, portés à 700 cette année vu les événements (et un groupe du GIGN pas loin du site). Pour la sécurité médicale, les Charrues c’est aussi 50 médecins assistés de 250 personnels médicaux. Le festival, c’est aussi de nombreux journalistes, ce sont toutes les entreprises locales qui travaillent main dans dans la main avec l’organisation. On arrive ainsi à un total de plus de 14000 personnes liées de près ou de loin à l’événement.
Les prochaines dates ? Le 1er octobre, les Charrues seront à Central Park à l’invitation des Bretons de New York et en 2017, Festival à Carhaix les 13-14-15-16 juillet.