Nice. Attentat ou carnage ?

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Avant de débuter cet article, il convient de déminer toute tentative de polémique. L’objet de ce propos n’est pas de chercher à utiliser un événement à des fins politiciennes, mais bien de rappeler qu’en politique justement, l’émotion cache parfois certaines pistes de réflexion permettant d’éviter les récidives. En tout état de cause, Le Peuple breton apporte toute sa solidarité aux familles des victimes de cette tuerie du 14 juillet à Nice en ce jour de deuil.

Dans le droit pénal, un « attentat » désigne un crime ayant comme but de changer ou de détruire le gouvernement. Dans nos esprits, ce mot est depuis plusieurs années associé immédiatement ou presque au fondamentalisme religieux et plus précisément à l’islamisme fondamentaliste incarné par l’État islamique. Quelques heures après le massacre de 84 personnes sur la promenade des anglais à Nice, le premier ministre Manuel Valls déclarait que « nous faisons face à une guerre que le terrorisme nous livre. Le but des terroristes, c’est d’installer la peur et la panique. » Le président de la République, François Hollande faisait la même analyse, estimant que le combat sera long contre « un ennemi qui continuera à frapper tous les peuples, tous les pays qui ont la liberté comme valeur essentielle ». Pourtant, à l’heure où nous écrivons ces lignes, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, n’a toujours pas établi un lien évident entre Mohamed Lahouaiej-Bouhlel et l’État islamique même si ce dernier a – tardivement – revendiqué l’attaque. L’homme étant décrit comme aimant l’alcool et les femmes, instable psychologiquement, on a du mal à comprendre l’empressement de François Hollande et de Manuel Valls à lier cette atrocité à l’organisation terroriste sans information claire alors qu’il pourrait s’agir d’un fou ayant théâtralisé son suicide à l’instar de ce pilote d’avion ayant entraîné dans sa mort 150 personnes.

En invitant il y a quelques mois n’importe qui à semer la terreur où il habite, l’État islamique a surtout prouvé sa faiblesse et son incapacité à frapper partout lui-même. Il est en effet bien plus facile de déléguer le travail en ralliant à sa bannière tous les dingues, tous les instables et tous les marginalisés de la planète que de piloter des attaques stratégiques visant à faire tomber un gouvernement en place. Dans le cas du drame niçois, les propos du premier ministre était quasiment une invitation pour l’État islamique afin qu’il revendique le massacre. Pourtant, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel aurait pu agir seul, en tout cas sans aide logistique de Daech. Semer la terreur permet pour l’État islamique de maintenir l’illusion de sa puissance alors que, sur le terrain, son influence décroît. N’importe qui, demain, peut user de la violence pour se faire remarquer, se suicider de façon voyante ou simplement créer la panique. Tous seront associés, après coup, à l’État islamique ?

De nombreux médias ont insisté sur le fait que Mohamed Lahouaiej-Bouhlel était tunisien. Un détail, mais qui reste important dans la communication gouvernementale qui ne saurait accepter qu’un français tue ses compatriotes ni même remette en question la nation française. Penser le contraire serait « s’attaquer à l’unité de la nation française ». C’est justement ce que veut éviter Manuel Valls en déclinant l’origine du tueur, prouvant ainsi que seuls « les autres » peuvent agir ainsi alors que la violence n’a pas de nationalité. Attentat ou non, cette tuerie devrait plutôt interroger sur l’isolement et la capacité d’une société à intégrer tout le monde car c’est de la misère (sociale, affective, psychologique…) que naît la violence. Et sur ce chapitre, le gouvernement reste muet.

Soyons clairs : on ne saurait reprocher ce drame au gouvernement car il est impossible d’anticiper le comportement d’un inconnu à moins de recourir à un fichage voire un suivi généralisé de la population et donc de basculer dans un régime liberticide. Or, c’est justement ce à quoi s’emploie l’opposition au gouvernement en réclamant des incarcérations préventives ou des fichages plus importants encore. Ces déclarations politiciennes ont pour objectif de s’assurer une crédibilité en « rassurant » la population. L’état d’urgence a pourtant prouvé son inefficacité et le président de la République le sait parfaitement même s’il repousse sa levée (initialement prévue fin juillet) à trois mois, par pur symbolisme. Cette décision est logique : si un État ne rassure plus, alors il est remis en cause. Il est pourtant évident qu’aucune caméra de surveillance ni aucun dispositif militaire ne saurait réduire les occasions de frapper.

> Gael Briand

Journaliste. Géographe de formation, Gael Briand en est venu au journalisme par goût de l'écriture et du débat. Il est rédacteur en chef du magazine Le Peuple breton depuis 2010. Il a également écrit « Bretagne-France, une relation coloniale » (éditions Ijin, 2015) et coordonné l'ouvrage « Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles » (Skol Vreizh, 2015). [Lire ses articles]