Le système Macron : changer sans rien changer !

Emmanuel_Macron

Il serait le ministre dont la côte de popularité serait la plus haute : Emmanuel Macron fait beaucoup parler de lui avec sa tête de jeune play-boy et ses déclarations destinées aux tabloïds. Le ministre de l’économie a un art certain pour la communication politique, pour les shows et sa maîtrise de l’usage des mots-clefs. « Espoir », « changement », « rassemblement »… il est clair qu’Emmanuel Macron souhaite fédérer avec une ambition affichée : concourir à la présidentielle. Mais comment le pourrait-il en prônant un néo-libéralisme qui divise ? Rien de plus simple : il suffit de ringardiser la gauche en apparaissant comme son avenir.

Emmanuel Macron se veut un self-made man, un homme qui s’est forgé par la seule force de son intelligence et de son talent, c’est ce qu’on pourrait appeler le « rêve-américain français ». Il écrit sa propre « histoire ». Et il sait conter : celle-ci « dérange », « elle vient contrarier l’ordre établi, parce qu’elle inquiète le système ». Imposture suprême que celle qui consiste à appeler son mouvement « En Marche » (ses initiales d’ailleurs) alors que son prétendu « mouvement » ne fait qu’accélérer l’acceptation du système par les masses. Le beau gosse du gouvernement est atypique effectivement : il assume son néo-libéralisme tout en lui donnant une autre image, change le paquet cadeau en réalité. Mais il suffit de deux minutes pour faire tomber la supercherie : son « offre politique nouvelle » n’est en réalité qu’une continuité de la politique actuelle du Parti socialiste et en aucun cas une réponse au sentiment de déclassement des citoyens. Temporairement, cela peut faire illusion bien sûr, mais il est certain que cela conduira inéluctablement à une détestation de plus en plus forte du fameux « système ».

Emmanuel Macron sait qu’il est aidé dans son projet par la gauche étatiste qui, plutôt que de proposer un projet d’avenir, s’arc-boute sur le monde d’avant. Emmanuel Macron, au contraire, assure qu’il est l’avenir et on l’a bien compris, c’est un marcheur. À 38 ans, il a du temps devant lui. « Ce monde est ancien, il est usé, il est fatigué. Il faut en changer. » affirme-t-il. Un principe partagé par absolument tout le monde ce qui ne mange pas de pain. Reste à savoir où il veut aller ? Et sur ce plan, les réponses sont assez floues pour ne pas dire très floues. Quoi de plus logique puisque l’avenir qu’il prône n’est autre que celui qui s’annonce et que le gouvernement s’échine à construire contre l’avis de millions de personnes !

Le ministre sait que les appareils sont impopulaires, il sait qu’il faut moderniser les discours idéologiques. Mais ce qu’on reprochera à Emmanuel Macron, c’est surtout son incapacité à penser plus loin qu’un slogan. Car l’ambition ne définit pas un projet de société. Cela ne nous étonne pas outre mesure venant de quelqu’un qui finalement se positionne sur le « ni-droite, ni-gauche » et donc le confusionnisme ambiant.

tweet FerrandPlus étonnant est de voir Corinne Ehrel, député des Côtes d’Armor, et surtout Richard Ferrand, député du Finistère, parmi ses « fidèles ». Richard Ferrand était en effet jusque-là un soutien fervent d’Henri Emmanuelli et de Martine Aubry, l’aile gauche du PS. De deux choses l’une donc : soit Richard Ferrand n’a aucune idéologie claire et dans ce cas, nous ne saurions que trop lui conseiller de mettre un terme à sa carrière politique ; soit – et c’est nettement plus crédible – il endosse le rôle d’un mauvais « baron noir », le meilleur ennemi de François Hollande. Car en réalité, Emmanuel Macron n’est pas une menace pour le président de la République, mais bien pour son premier ministre, Manuel Valls. Emmanuel Macron serait alors un « lièvre », celui que tout le monde regarde pendant que les (vrais) concurrents se préparent. Emmanuel Macron est la carte joker de François Hollande au cas où Nicolas Sarkozy serait le candidat déclaré par Les Républicains. S’il l’est, François Bayrou se présentera et constituera une sérieuse menace pour le président en exercice qui doit absolument passer la barre du premier tour s’il veut doubler son quinquennat. C’est là qu’intervient notre ministre de l’économie qui sera chargé de réduire les voix du « Poulidor » de la politique française. Si c’est Alain Juppé, le même François Bayrou a déjà dit son intention de le soutenir ce qui laisse une place au centre-droit que le président entend d’ores et déjà exploiter.

Cette leçon basique de tactique politique prouve une chose : la forme prime désormais sur le fond. Les débats – quand ils existent – sont de plus en plus courts et encadrés. De fait, certains courants idéologiques peu habitués aux manœuvres de couloir peinent à émerger laissant penser qu’il n’y a « pas d’alternatives »… C’est justement ce que disait Hollande récemment à son propos. Et c’est aussi ce que suggère Emmanuel Macron : le monde est ainsi, on ne peut pas le changer, il faut donc s’y adapter. Pour Le Peuple breton, se résoudre au monde tel qu’il est, c’est déjà avoir déserté les rangs de la gauche.

> Gael Briand

Journaliste. Géographe de formation, Gael Briand en est venu au journalisme par goût de l'écriture et du débat. Il est rédacteur en chef du magazine Le Peuple breton depuis 2010. Il a également écrit « Bretagne-France, une relation coloniale » (éditions Ijin, 2015) et coordonné l'ouvrage « Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles » (Skol Vreizh, 2015). [Lire ses articles]