Dans l’affaire du décès le 22 juillet 2009 de Thierry Morfoisse alors qu’il travaillait au ramassage des algues vertes, le tribunal de Grande Instance de Paris vient de rendre un arrêt de non-lieu justifié par les conclusions suivantes :
« […] Que l’analyse anatomopathologique du cœur et du poumon gauche […] a conclu à une récidive récente d’infarctus du myocarde […] expliquant à elle seule la survenue du décès. Qu’en outre, les experts notent que la preuve toxicologique d’un intoxication à ce gaz (H2S) ne peut être établie de façon certaine […] la preuve du lien de causalité entre son exposition à ce gaz et son décès ne peut être rapportée […] Qu’en conséquence, l’existence d’un lien de causalité directe n’a pu être mis en évidence entre l’infarctus du myocarde massif dont Monsieur Morfoisse a été victime et le niveau de son exposition à l’hydrogène sulfuré à l’occasion de ses activités professionnelles. Qu’en conséquence, il convient de prononcer un non-lieu. »
Il n’est pas question ici de contester les conclusions d’experts médicaux. Mais que nous dit en fait cet arrêt du tribunal ? Il ne dit pas que l’exposition à H2S n’est pas la cause du décès mais que « cela n’a pas pu être mis en évidence. »
Quelques rappels sur la haute toxicité de l’hydrogène sulfuré (les chiffres sont ceux d’un rapport des Ministères de l’Environnement et de la Santé) : son odeur d’ œufs pourris est décelable (seuil de détection olfactive) à de très faible concentrations, de 0,02 à 0,1 ppm (parties par million), et donc qu’une odeur repoussante près d’une plage n’est pas forcément la preuve qu’il y en a beaucoup. Le problème est que si la concentration augmente on ne sent rend pas compte car l’odeur est la même, et cela n’empêche pas le danger d’augmenter du fait de la toxicité du gaz.
Les effets nocifs sont fonction du temps d’exposition. Ils sont sont réversibles par exemple pour 10 minutes d’exposition à 200 ppm, irréversibles au dessus et mortels au dessus de 900 ppm. Mais on ne s’en rend pas forcément compte car un autre spécificité de ce gaz est qu’à partir de 150 ppm, on ne sent plus rien (seuil d’anesthésie olfactive).
Or Thierry Morfoisse avait travaillé le jour de son décès plusieurs heures à ramasser des algues vertes, dont la putréfaction génère le gaz toxique.
Mais le tribunal, répétons-le, refuse d’admettre que le gaz a pu être responsable du décès.
Cela est à rapprocher des cas de décès par cancer du poumon des ouvriers de l’amiante. « On n’a pas mis en évidence le lien entre le cancer et l’exposition à l’amiante. »
Remontons le temps : pour les militaires, en particulier les appelés du contingent, qui étaient présents au moment des essais nucléaires au Sahara ou à Mururoa, sans protection particulière, et qui de longues années après souffrent d’un cancer, « on n’a pas mis en évidence le lien entre le cancer et l’exposition aux radiations. ». À chaque fois, c’est au malade de prouver le lien entre l’exposition et sa maladie !
Cela nous remet en mémoire un autre arrêt très récent de la justice : le Bugaled Breizh. Un nouvel arrêt d’un tribunal vient aussi de conclure à un non-lieu, car « on » n’a pas mis en évidence le lien entre le naufrage et la présence d’un sous-marin sur les lieux…