Le vote qui est intervenu au Royaume-Uni va déclencher une réaction qui est bien en phase avec la crise politique que vit l’Europe aujourd’hui.
Ce vote donne déjà des idées à des gens de chez nous qui pensent que « c’était mieux avant ! ». Le problème c’est que « avant » ne veut rien dire. Parce que « avant » ce peut être « avant-avant » ou alors « juste après avant ».
Donc les britanniques ont dit que c’était mieux avant. Et encore, eux n’avaient pas choisi l’euro. D’autres le disent, et vont le dire ailleurs, encore plus fort qu’au Royaume-Uni.
Il y a effectivement aujourd’hui chez nous une nostalgie que je crois morbide. Je ne connais pas assez les britanniques pour savoir si c’est ce qui les a guidés, mais chez nous je sens cette morbidité.
Il y a l’Europe, qui est un beau projet, mais que les égoïsmes des États ne cessent de pervertir chaque jour. L’Europe qu’ils ont bâti est d’une telle complexité que personne n’y comprend rien. A ne pas vouloir faire un système démocratique plus simple, plus classique, cette Europe a créé des insatisfactions. Les principes démocratiques de base n’ont jamais été respectés puisque les véritables décisions ne sont pas prises par les députés que les européens ont élus.
En bref il aurait fallu faire un véritable fédéralisme pour éviter que les gouvernements des États ne jouent à un jeu pervers qui consiste à bloquer en permanence des décisions, tout en laissant accuser « Bruxelles » de tous les maux. La banalité consistant à accuser l’administration européenne d’être responsable de normes stupides, de pinaillages divers et variés. On connaît ce refrain.
Quand on connaît l’administration française, on ne peut que se dire que nous aurions intérêt à ne pas donner de leçons. Nous avons une lourde responsabilité en ce domaine puisque dans notre pays il y a longtemps que le politique est débordé par une administration centrale, et centralisée, toute puissante.
En l’absence de projet politique européen enthousiasmant il ne faut donc pas s’étonner que certains se mettent à dire « c’était mieux avant ! ».
Mais avant quoi ? Avant que nos politiques, notre vision du développement, nos modes de consommation n’aillent créer le chaos dans certains pays du Moyen-Orient et d’Afrique ? Avant que cela ne provoque l’arrivée de centaines de milliers de réfugiés en Europe ? Avant que nous ne sachions que notre système de production et de consommation, notre croissance sont une impasse ?
Faute de rêver demain, parce qu’il est plein de changements difficiles, de virages à négocier, de mauvaises habitudes à perdre, on rêve d’un « avant », on rêve d’un « hier ».
Au lieu de nous vendre de la nostalgie, on ferait mieux de regarder le présent en face.
Je veux dire par là que, lorsque j’entends les économistes patentés nous expliquer que la croissance revient, on entretient la nostalgie. Finalement, et pour simplifier, beaucoup d’entre-eux nous expliquent que l’on peut espérer le retour du monde d’avant. Vous savez celui des années de la croissance insolente qui se faisait sur le dos des pays pauvres, l’époque où nous bouffions sans soucis le capital. C’était quand la croissance devait être sans fin et que personne ne pensait aux dégâts faits sur la planète. Mais « avant » on ne savait pas que la planète était finie et qu’il y avait des dégâts qu’il nous faudrait payer un jour. « Avant » c’était quand on ne savait pas que nous avions une révolution énergétique à faire. « Avant » c’était quand on croyait que chaque problème trouverait sa solution dans une révolution ou une innovation technologique. D’ailleurs c’est encore un peu comme cela aujourd’hui.
« C’était mieux avant ! », c’est comme dire à nos enfants que la facture que nous leur laissons sur le plan écologique et économique, se doublera d’une facture politique plus que salée. Les Autrichiens ne sont pas passés loin et chez nous les amis du FPÖ sont en embuscade.
Non la croissance d’avant ne reviendra pas ! Il faut inventer autre chose, quelque chose de viable pour les humains bien plus nombreux « qu’avant » . Non, « avant » n’existe plus !
Certains, pour de petits bénéfices politiciens, nous annoncent l’inversion de la courbe du chômage alors que c’est maintenant qu’il faut se mettre à réfléchir vite, sur le travail et sa répartition, sur la richesse et sa répartition, sur la consommation et sa répartition, sur le développement et son but.
Le projet ne peut être celui qui consiste à vouloir retrouver le monde tel qu’il était « avant ». Je pensais que nous avions compris cela… depuis le temps !