De la distribution d’iode

iode

Une information donnée par Laurent Lintanf, président du comité trégorois de Sortir du nucléaire et reprise par le Télégramme a attiré l’attention du Peuple breton. La population bretonne serait-elle avertie et protégée (du moins en partie) en cas d’incident nucléaire par une distribution de pastille d’iode ? Pas la population des Côtes d’Armor en tout cas si l’on en croit Laurent Lintanf.

Il y a peu, Le Peuple breton relatait la découverte dans la campagne de Brennilis de récipients en plomb ayant contenu de l’iode 131 radioactif à usage médical. Rappelons que radioactif ou pas, l’iode a la particularité de se fixer en priorité sur la thyroïde. À petite dose contrôlée, l’iode 131 est utilisé pour justement soigner la thyroïde, mais à haute dose, l’iode 131 est cancérogène.

En cas « d’incident » ou « d’accident » nucléaire (Tchernobyl, Fukushima), les émissions les plus importantes sont surtout du césium 137, période 30 ans, et éventuellement de l’iode 131 de période 8 jours, donc hautement radioactif. Il y en a eu peu après Fukushima, mais beaucoup après Tchernobyl.

Comment s’en protéger si besoin ? Dès que l’on est averti d’un danger de contamination à l’iode 131, il faut absorber de l’iode 127 non radioactif qui va saturer la thyroïde. Si l’iode 131 arrive, il ne peut plus se fixer. L’iode est ingéré sous forme de comprimé d’iodure de potassium.

Mais, nous rappelle « Sortir du nucléaire », la prise d’iode stable est beaucoup plus efficace pour saturer la thyroïde dans un laps de temps de 2h avant l’émission des rejets (d’après les autorités sanitaires). Si la prise a lieu 6 h après l’exposition, la protection garantie est diminuée de moitié !

Résumons : si la population était prévenue de l’éventuelle arrivée d’un nuage radioactif, il faudrait, pour s’en protéger, prendre l’iode 2h avant son arrivée ! Mais si on est à côté d’une centrale, il faudrait prendre l’iode 2h avant les rejets donc avant un accident nucléaire dont on ignore qu’il va avoir lieu. Cela n’est pas sans rappeler l’histoire des pompiers qui doivent vérifier leur camion la veille de chaque incendie !

Après Fukushima (cela aurait été plus logique après Tchernobyl en 1986), le gouvernement français a mis en place le Plan Orsec Iode qui nous dit que « la présente circulaire a pour objet de définir les nouvelles modalités de mise en place des stocks de comprimés d’iodure de potassium au sein du territoire, ainsi que les conditions de leur distribution à la population hors des zones couvertes par un plan particulier d’intervention (PPI). […] Elle prévoit que les stocks de comprimés d’iodure de potassium soient constitués, […] et que chaque préfet organise dans son département les modalités de mise à disposition de la population en cas d’urgence, en s’appuyant notamment sur les maires. »

C’est ce qui a incité le collectif trégorois de Sortir du nucléaire à interroger (c’était en 2015) le préfet des Côtes d’Armor, puis le sous-préfet de Lannion sur ces fameux comprimés d’iodure de potassium. Aucune réponse. Puis de nouveau question au préfet en début 2016 après les attentats terroristes et en fonction de l’éventualité d’attentat contre une centrale. Là, le préfet a enfin répondu. Mais pour dire quoi ? Que conformément au Plan Orsec Rade, le département possède bien un stock de 600000 comprimés à St Brieuc. Point final, aucune information sur la distribution.

D’aucuns diront que cela n’a pas d’importance parce qu’il n’y a pas d’installations nucléaires en Côtes d’Armor. Certes, mais si on regarde la carte, on voit que La Hague, 300 km de St Brieuc par la route, est à 140 km à vol d’oiseau.

Imaginons un incident à La Hague et un vent de Nord-Est d’environ 50 km/h (rien d’inimaginable donc !). Le nuage arrive en 3h sur les Côtes d’Armor, or il est souhaitable de prendre pour être immunisés les comprimés 2h avant son arrivée. En admettant que l’alerte se mette en place très rapidement, il faudra que le préfet explique comment il fait pour distribuer en 1h depuis St Brieuc où ils sont stockés, les comprimés d’iodure de potassium à la toute la population du département…

> Christian Pierre

Né en 1949, Christian PIERRE est membre de l'UDB depuis 1977. Très engagé pour la Bretagne, il est très investi aussi dans les Droits de l'Homme, comme à l'ACAT (ONG chrétienne de lutte pour l'abolition de la torture et contre la peine de mort) dont il est animateur du Groupe Quimper-Cornouaille. Il milite enfin pour les droits du peuple palestinien.