Depuis qu’un manifestant isolé a brisé les vitres de l’hôpital Necker, les déclarations d’élus ou de simples citoyens n’en finissent plus d’inonder la toile. « Honte », « dégoût », « ça suffit ! »… « C’est à un hôpital pour enfants qu’on s’en est pris », s’est indignée Marisol Touraine sur France info. « Il y a des enfants qui entraient dans les blocs opératoires et certains n’étaient pas encore endormis et ce sont des choses qui sont choquantes ». Pour la plupart des gens qui n’ont pas assisté à cet épisode, on imagine très bien la scène : une horde de manifestants secouant des enfants atteints de maladies graves, les agressant physiquement. Ou quand la politique devient spectacle, quand l’émotion triomphe sur la Raison. D’accord, il faut être un sacré crétin pour s’attaquer à un hôpital public quand on prétend manifester contre la loi Travail, mais serait-il possible de reposer le débat ?
Après l’euro 2016, les inondations, l’appel à la responsabilité suite aux attentats, voilà qu’on cherche à éviter un débat de fond et à restreindre le droit de manifester parce qu’un imbécile a détruit quelques vitres ! Car c’est bien de cela dont il s’agit : l’utilisation d’un fait divers à des fins politiques. Un procédé utilisé habituellement par le FN, mais qui semble se répandre dans la classe politique.
Les « casseurs » sont donc devenus l’argument massue pour essayer de décrédibiliser un mouvement qui refuse l’avenir qu’on lui propose. Cette part de l’opinion publique s’insurge pourtant uniquement contre le fait qu’on lui impose une loi libérale sans que jamais celle-ci n’ait été approuvée par les électeurs (elle ne figurait pas dans le programme du candidat Hollande en tout cas). En quoi l’acte de ce sombre abruti devrait-il concerner tous les manifestants ? De même que certains demandent aux musulmans de « condamner » les attentats, on exige des opposants de « condamner » cet acte comme si être contre cette loi Travail nécessitait d’être solidaires avec ceux qui choisissent d’utiliser la violence pour se faire entendre !
La palme de ce procédé revient à M. Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, qui a réussi à associer les manifestants au meurtre des deux policiers survenus à Magnanville. Un « parent d’enfant très malade de l’hôpital Necker » a réagi très justement à cette honteuse récupération politique : « Une ordure tue deux policiers à l’arme blanche. Leur fils de trois ans est en soin à Necker. M. Cazeneuve établi un rapport émotionnel, affectif et psychique entre ces deux séries de faits : le lutte contre la loi Travail et son gouvernement, le choc produit par la brutalité de ce double meurtre et la situation dramatique de cet enfant. Si les jeunes émeutiers qui ont cassé les vitres de Necker ont été idiots, MM. Valls et Cazeneuve, eux, sont obscènes. » On ne remerciera jamais assez ce père qui, malgré l’épreuve qu’il traverse, garde sa lucidité.
On termina ce billet d’humeur en constatant que ce personnel politique, qui joue les outragés parce qu’il s’agit d’un hôpital pour enfants, l’est moins quand il s’agit de réduire les crédits pour les soigner ! Soyons logique jusqu’au bout : si les manifestants sont dans la rue, ce n’est pas pour détruire les hôpitaux, c’est justement pour qu’on leur donne les crédits nécessaires et que l’on cesse cette politique néo-libérale qui n’a d’objectifs que financiers.