La droite malouine a des envies de Béziers !

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Le quotidien La Croix s’inquiète dans un article du 1er juin des rapprochements en cours entre le FN, Le Parti Démocrate Chrétien et une frange importante du parti dirigé par Nicolas Sarkozy. On en a vu un exemple caricatural à Béziers récemment. Ce week-end, c’est une interview croisée entre Marion Maréchal Le Pen et une secrétaire nationale des Républicains, Madeleine Bazin de Jessey, au journal « Famille Chrétienne » qui donne le ton. Mme Bazin de Jessey y reconnait avoir créé, après la manif pour tous, une structure interne pour « travailler de l’intérieur les Républicains ». Elle ajoute « Nous allons au-devant de recompositions majeures en 2017. Il existe un espace politique – conservateur et souverainiste – qui n’est pas investi. Je verrais d’un très bon œil que cet espace se structure ».

La droite bretonne, de tradition démocrate-chrétienne, devrait en théorie échapper au phénomène. Pourtant, ce vendredi, le « Cercle des Actifs Malouins » organisait, à Saint-Malo, un débat sur « l’avenir des droites ». La cité corsaire connaît bien la droite, elle qui vote pourtant Le Drian aux élections régionales. Lors des dernières élections municipales, le maire historique de droite, René Couanau, a été battu sèchement lors d’une triangulaire par un autre candidat de droite, Claude Renoult, laissant la gauche assez loin derrière avec 30,59 % des suffrages au second tour.

On parle souvent de la division à gauche, mais le phénomène ne lui est pas propre. Les organisateurs de cette conférence expliquent que « dans un ouvrage publié en 1954 et maintes fois mis à jour, René Remond avance la thèse selon laquelle il y aurait en France trois droites issues des conflits de la Révolution française : les droites légitimiste, orléaniste et bonapartiste. Chacune ayant sa propre essence, sa propre idéologie et sa propre histoire ». L’association, en confrontant les positions des invités, espèrent « cerner les distinctions entre les divers partis qu’ils représentent. »

Pour être schématique, en ce début de XXIème siècle, « la droite » est aussi partagée que « la gauche » : d’abord, il y a les « libéraux » qui sont aujourd’hui majoritaires bien qu’eux-mêmes divisés entre des « centristes » que l’on dit « humanistes » du fait de leur ouverture à certains sujets de société (Modem, voire UDI) et des « thatcheriens » (à défaut d’autres noms) qui, eux, sont partisans de la dérégulation de l’économie (chef de file : Nicolas Sarkozy) ; ensuite, il y a les gaullistes dont les derniers représentants étaient Jacques Chirac et Dominique de Villepin (en Bretagne : François Goulard) et qui se convertissent progressivement soit au libéralisme honni par de Gaulle comme Alain Juppé, soit au souverainisme FN du fait de l’influence de Florian Philippot notamment ; enfin les frontistes qui ne peuvent pas vraiment représenter un courant puisqu’ils agrègent des monarchistes, des libéraux, des gaullistes et tout un tas d’obédiences dont on taira le nom, mais auxquelles tout le monde pense.

Parmi les invités de cette « rencontre », on notera surtout l’absence manifeste des « centristes » (Modem) sûrement considérés par ces représentants de la droite dure comme trop « mous ». Gilles Pennelle, membre du bureau politique du FN et président du groupe FN, représentait son parti. Marie de Blic, issue du réseau Boutin/de Villier/Dupont-Aignant et « manif’ pour tous », représentait le Parti Chrétien-Démocrate, Isabelle Le Callennec, députée des Républicains et conseillère départementale était, quant à elle, la voix de Nicolas Sarkozy. Enfin, Jean-François Richeux, maire de Saint-Père et vice-président de Saint-Malo Agglomération, défendait les positions d’un Parti Radical, dont on se demande ce qu’il vient faire dans cette galère.

La droite était donc à l’honneur à St Malo et on sait que les frontières sont de plus en plus poreuses entre ses « courants ». Gilles Lurton, le député de Saint-Malo issu de la droite libérale, a eu, en guise d’exemple, la désagréable surprise de voir l’un de ses assistants parlementaires le quitter pour travailler au groupe FN de la région Bretagne.

L’une des dernières conférence organisée par l’association donnait la parole à Charles Millon, ministre de la défense (1995 – 1997) pour « évoquer l’avenir de l’Armée française ». Il se trouve que, justement, Charles million s’était fait élire en 1998 président de la région Rhône-Alpes en acceptant les voix du FN ce qui lui valu une exclusion de l’UDF dont il était membre.

Les régionales de décembre dernier ont bien montré qu’une part de l’électorat de droite en Bretagne préfère voter Le Drian si leur candidat est jugé trop conservateur. Si la droite malouine semble avoir des envies de Béziers, elle en décalage avec la sociologie bretonne.

À Saint-Malo, les digues sautent progressivement…

> Gael Briand

Journaliste. Géographe de formation, Gael Briand en est venu au journalisme par goût de l'écriture et du débat. Il est rédacteur en chef du magazine Le Peuple breton depuis 2010. Il a également écrit « Bretagne-France, une relation coloniale » (éditions Ijin, 2015) et coordonné l'ouvrage « Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles » (Skol Vreizh, 2015). [Lire ses articles]