Il aura fallu deux ans pour obtenir une réponse de Mme la ministre de la culture et de la communication à une question publiée au journal officiel le 27 mai 2014 par le député Paul Molac en ce qui concerne la place des langues dites « régionales » à la télévision. Il faut dire quʼau moment où le député breton posait sa question, la ministre était Mme Aurélie Filippetti et que la réponse publiée au journal officiel le 10 mai 2016 vient non pas de celle qui lui a succédé (Fleur Pellerin), mais de celle qui a succédé à sa remplaçant, Audrey Azoulay. La valse des ministres nʼa pas du simplifier la prise en compte dʼun sujet si dérisoire aux yeux du gouvernement !
Pour rappel, Paul Molac attirait lʼattention du ministère sur la suspension des journaux télévisés en langues régionales lors des vacances scolaires. « Alors que la plupart des régions dʼEurope disposent dʼune ou plusieurs chaînes publiques (telle la BBC Alba en Écosse au budget de 25 millions dʼeuros), les régions françaises en sont toujours à réclamer quelques décrochages qui nʼont jamais lieu en « prime time » et qui peuvent être annulés à tout moment » argumentait le député. Et de sʼétonner puisque « France télévisions est pourtant tenue, sous le contrôle du conseil supérieur de lʼaudiovisuel (CSA), de respecter les missions de service public inscrites à son cahier des charges, dont lʼarticle 40 prévoit que lʼentreprise « veille à ce que, parmi les services quʼelle édite, ceux qui proposent des programmes régionaux et locaux contribuent à lʼexpression des principales langues régionales parlées… » ». Or, en 2011, seules 65 heures en langue bretonne ont été diffusées sur les antennes de France 3, « chiffre par ailleurs rogné par la diffusion dʼévènements sportifs à la place lors de certaines fins de semaines ».
Dans sa réponse, Mme Azoulay fait preuve dʼune maîtrise de la langue de bois assez remarquable même si elle ne dupe plus personne en Bretagne. Dʼabord en rappelant « quʼil nʼappartient pas au gouvernement dʼintervenir sur les choix éditoriaux des chaînes du service audiovisuel public ». Puis, en expliquant que « le gouvernement est particulièrement attaché à cette mission de proximité dévolue au service audiovisuel public et plus particulièrement à France 3, qui participe à la vie des territoires en valorisant la richesse du patrimoine régional, ainsi que la diversité de la création locale » alors que le gouvernement ne fait pas preuve – et cʼest un euphémisme – dʼun soucis particulier pour les territoires. Mme Azoulay se félicite ensuite de la signature, le 11 décembre dernier « dʼun contrat dʼobjectifs et de moyens (COM) entre la région Bretagne et France Télévisions » qui sʼinscrit « dans la continuïté du pacte dʼavenir pour la Bretagne » et qui a pour objet de « financer le développement de nouveaux programmes régionaux diffusés par France 3 Bretagne (…) et dʼinitier une réflexion sur la faisabilité de la création dʼune offre régionale de complément, sur un canal dédié, sous réserve de sa comptabilité avec les équilibres stratégiques et financiers qui seront retenus dans le COM 2016-2020 que lʼÉtat et la société vont négocier ». Un langage pour le moins technocratique qui cache mal la gêne du gouvernement sur ce sujet bien précis des langues autres que le français dans lʼespace public.
« En ce qui concerne la suspension ou la réduction des journaux télévisés en langue bretonne sur lʼantenne régionale durant les vacances scolaires, France Télévisions a indiqué aux services du ministère de la culture et de la communication quʼil sʼagissait dʼune mesure appliquée à toutes les antennes locales ayant vocation à assurer la maîtrise des effectifs et à limiter le recours à lʼemploi précaire en période de congés », a expliqué la ministre à Paul Molac. Ainsi donc, cʼest pour des raisons sociales que la langue bretonne a disparu des écrans ? Il serait assez simple de retourner lʼargument en disant quʼil suffirait de disposer dʼun budget plus conséquent pour que les équipes puissent tourner en cas de congés. Les brittophones, eux, ne mettent pas leur langue en vacances durant les vacances scolaires !
On apprécie lʼeffort constant de Paul Molac en faveur des langues minorisées, mais il apparaît assez clairement quʼil se fait balader depuis le début de son mandat et que le gouvernement nʼest pas disposé à avancer sur cette question. On peut espérer – fin de mandat oblige – quelques avancées timides, mais pas une reconnaissance pleine et entière de la part de François Hollande et de son gouvernement. Savoir que « ces adaptations dʼantenne ne concernent pas que les éditions en langue bretonne » nʼest pas de nature à rassurer les militants bretons. Les promesses de campagnes trahie du candidat François Hollade ne concernent, elles non plus, pas uniquement la langue bretonne…