La « déradicalisation », le nouveau placebo gouvernemental.

stop-djihadisme

À un an de la prochaine élection présidentielle, le gouvernement semble se préoccuper toujours plus de la sécurité, un sujet qui nʼavait pourtant pas réussi à Lionel Jospin en 2002. Le 9 mai, le premier ministre Manuel Valls a annoncé, parmi 80 mesures, la création, dʼici fin 2017, d’un centre de réinsertion pour « personnes radicalisées » dans chaque région. Lʼobjectif ? Lutter contre le djihadisme.

Lʼorigine de ces dispositifs remontent à 2012 et à « lʼaffaire Merah ». À la suite de ces tueries à Toulouse et Montauban naît un concept : la « radicalisation ». Étymologiquement, pourtant, ce terme adjoint au terrorisme religieux est très mal trouvé puisquʼil renvoie au mot « radical » et donc au mot « racine ». Or, on ne peut pas franchement dire quʼun djihadiste revient à la « racine » de la foi, ni que la violence soit lʼessence de lʼislam ! Considérer même quʼun terroriste se revendiquant du Jihad appartient à la famille des croyants est discutable tant le phénomène de « radicalisation » a peu à voir avec la religion en réalité. Relire les textes des auteurs anticolonialistes (dominant-dominé) permettrait de mieux comprendre les mécanismes qui poussent à la radicalisation, mais ce nʼest pas le choix du gouvernement.

Pour lui, seul compte lʼaction ! Il faut montrer que lʼon agit, même si cʼest un placebo. Pourvu que le bon peuple se sente en sécurité ! Or, au contraire, le bon peuple ne se sent pas en sécurité dès lors quʼil entend chaque jour des discours anxiogènes. Quʼimporte : instiller la peur permet une plus grande dépendance des citoyens et détourne lʼopinion des vrais sujets et notamment de la dégradation des services publics.

Car quoique lʼon puisse penser des conspirationnistes, djihadistes, extrêmistes – et ceci dit sans complaisance – ces personnes en rupture avec « le système » le sont dʼabord et avant tout par manque de perspectives, par manque dʼespoir donné par la société dans laquelle elles vivent. La volonté du gouvernement de sʼappuyer sur la sphère privée et notamment les géants dʼinternet comme facebook, twitter ou google risque au contraire dʼaccentuer leur sentiment de persécution.

On appréciera donc les efforts du gouvernement pour lutter contre la fuite des jeunes français (plus de 1000) en Syrie, mais il paraît évident que les mesures annoncées par le gouvernement risquent de faire un flop, comme les vidéos « #stopdjihadisme » qui passent complètement à côté de leur objectif en prenant les néo-convertis pour des imbéciles. La « contre-propagande », même privée, annoncée par le Premier Ministre laisse peu dʼespoir de réussite étant entendu quʼon ne « déradicalise » pas quelquʼun de passionné par la Raison ! Si « déradicalisation » il peut y avoir, elle ne peut se faire quʼen substituant une cause pour une autre.

Au final, ces mesures viseront plus certainement les militants politiques de gauche que les djihadistes. Ceux justement qui aspirent à une société meilleure…

> Gael Briand

Journaliste. Géographe de formation, Gael Briand en est venu au journalisme par goût de l'écriture et du débat. Il est rédacteur en chef du magazine Le Peuple breton depuis 2010. Il a également écrit « Bretagne-France, une relation coloniale » (éditions Ijin, 2015) et coordonné l'ouvrage « Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles » (Skol Vreizh, 2015). [Lire ses articles]