Il fut un temps où lʼUDB dénonçait lʼ« armée coloniale », la main dʼœuvre condamnée à fabriquer des armes pour les États impérialistes. Loin dʼêtre révolue, cette époque est ressuscitée par le gouvernement dit « socialiste » au pouvoir, passé expert dans lʼart de combler son déficit en exportant du savoir-faire militaire réalisé chez nous, en Bretagne. Frégates, rafales, radars, télécommunication et jʼen passe… le tout vendu par le VRP du gouvernement, le ministre de la Défense/président du conseil régional de Bretagne : Jean-Yves Le Drian.
Et voilà quʼune « bonne » nouvelle arrive : lʼAustralie a décidé choisir la France pour construire douze sous-marins. Un contrat de 34 milliards dʼeuros pour DCNS avec à la clef des « milliers dʼemplois » répartis probablement entre Cherbourg, Brest, Lorient et Nantes/Saint-Nazaire si on en croit le ministre. Un contrat qui engage lʼÉtat durant… 50 ans !
À une remarque dʼun journaliste dʼEurope 1 lui signifiant que la gauche au pouvoir permet à la France de devenir le deuxième exportateur dʼarmement dans le monde, Jean-Yves Le Drian réplique que cela apporte des emplois et que lʼindustrie militaire fait avancer la recherche civile. Cʼest parfaitement exact. Ajoutons que si la France ne produisait pas ces armes, dʼautres le feraient à sa place. Toutefois, cette réponse nʼest pas acceptable…
Elle lʼest encore moins pour les Bretons qui doivent pourtant – théoriquement du moins – « bénéficier » de ces ventes dʼarmes. Elle nʼest pas acceptable en premier lieu car elle contredit nos valeurs. Comment un gouvernement se revendiquant de gauche peut sʼenorgueillir de produire du matériel militaire, matériel qui sert à la domination militaire, économique et culturelle de certains peuples sur dʼautres et non à lʼauto-défense comme il est de bon ton de dire ? Il suffit pour cela dʼavoir abandonné ses idéaux et de se contenter du monde actuel, en somme dʼêtre « pragmatique ».
Aucun salarié ne fabrique volontairement une mine antipersonnel, des munitions pour fusils dʼassault ou des chars. Ce non-choix est dicté par une situation coloniale qui fait que pour éviter « le chômage ou la valise », on prend lʼemploi quʼil reste. Or, économiquement, que reste-t-il à la Bretagne ? Les politiques, soucieux de montrer que tout va bien, ne cessent de rappeler que la Bretagne résiste mieux à la crise. Moins de chômage quʼailleurs certes, mais plus de précarité aussi ! Lʼarmée, à ce titre, sert dʼamortisseur social puisquʼelle recrute en masse en Bretagne des jeunes dont le seul horizon se résume à tenir un fusil entre leurs mains quand leur aspiration première (du moins pour certains) est de devenir musicien, artiste ou ingénieur.
Combien de doctorants formés en Bretagne ? Combien dʼembauchés à la hauteur de leur qualification ? La matière grise de Bretagne émigre, telle est la triste réalité, et ce depuis (presque) toujours. Lʼarmée nʼest quʼun mirage et permet au pouvoir de faire croire que lʼÉtat prend soin de ses territoires quand, en réalité, il les dépouille (de leur matière grise, de leur richesse, de leur culture, de leur histoire et de leur géographie).
La Charte de Brest signée par lʼUDB et dʼautres organisations politiques en Europe, en 1974, énonçait une idée encore dʼactualité : « la domination politique, voire militaire, nʼa dʼautres buts que la pénétration capitaliste ». Le gouvernement actuel lʼillustre parfaitement. Il nʼest rien dʼautre quʼune équipe de nationalistes participant à la compétition/guerre que se livrent les peuples à travers leurs économies respectives, bien loin du projet fédéraliste de lʼUDB.
Espérons que cette domination ne durera pas aussi longtemps que le contrat australien…
[[[ Depuis la rédaction de cet article, on a appris que les sous-marins seraient fabriqués en Australie ! Cela ne change pas le propos pour autant ]]]