Un code du travail si épais que certains patrons sʼassoient dessus !

apprentis

Le projet de loi présenté par la ministre du travail représente de graves reculs des droits individuels et collectifs des salariés. Il projette pour les apprentis de travailler beaucoup plus sans lʼautorisation de lʼInspection du travail. La jeunesse qui se mobilise contre ce recul social à de bonnes raisons de le faire. Ci-joint, le témoignage dʼun parent dʼapprentis auprès de lʼinspecteur dʼacadémie reçu par Le Peuple breton qui démontre que bon nombre dʼemployeurs ne se sentent pas bridés et nʼont sûrement pas besoin de plus de laxisme de la part de ceux chargés de faire respecter la loi.

« Monsieur lʼInspecteur dʼAcadémie,

De plus en plus de voix cherchent à promouvoir lʼenseignement en alternance en particulier pour revaloriser les métiers manuels. Malheureusement, ce type dʼenseignement est une aubaine pour certains employeurs peu scrupuleux qui ternissent en définitive lʼimage de ces formations et de ces métiers. Pour éviter que des profiteurs puissent en toute illégalité utiliser des artifices pour contourner la loi, il conviendrait dʼinstaurer dans le cadre des relations CFA Entreprise, un minimum de contrôles plus rigoureux.

Deux exemples personnels pour justifier ma suggestion :

Mon fils en apprentissage pour préparer un CAP charpente, avait sur son contrat le nom de son employeur comme maître dʼapprentissage, sur le papier uniquement. Dans les faits, cʼest un compagnon expérimenté qui encadrait et formait le futur charpentier. Quand le professeur principal de mon fils au CFA visitait lʼentreprise, cʼest lʼemployeur qui ne connaissait pas lʼapprenti quʼil rencontrait… Le jour où le véritable formateur a quitté lʼentreprise, sans maître dʼapprentissage mon fils nʼa pas tardé à faire de même et cesser sa fonction de manœuvre bouche-trous.

Le second exemple plus grave à mes yeux et motive véritablement ma démarche. Lʼannée dernière ma fille a signé un contrat dʼapprentissage avec son patron de restaurant (sept personnes y travaillent : le couple dʼemployeurs, un serveur et quatre apprentis). Lʼidentité du maître dʼapprentissage est noté « M. XXXXX », sans doute un prête-nom puisque ma fille qui faisait une spécialisation en desserts de restaurant ne lʼa jamais rencontré ! Son employeur chef cuisinier qui nʼest pas un spécialiste des desserts sʼest donc déchargé sur ma fille titulaire dʼun BEP cuisine pour assurer la partie dessert. En trichant, il a bénéficié dʼavantages pour une formation quʼil nʼa pas assurée. Non seulement il nʼa pas assumé son engagement moral, mais il a fait subir à ma fille un harcèlement moral pour obtenir une rupture de contrat au profit dʼun nouvel apprenti plus jeune et plus flexible, qui jʼespère nʼa pas un « fantôme » comme maître dʼapprentissage ?

À signaler que ce monsieur fait travailler des mineurs après 22 heures, prend ses aises avec le code du travail et va se retrouver au tribunal des Prudʼhommes si il refuse toujours de régler à ma fille lʼéquivalent en heures supplémentaires et congés, dʼun mois de salaire [Depuis, condamné aux prudʼhommes lʼemployeur a dû régler sa dette].

Je suis convaincu que vous ne voulez pas cautionner ces pratiques nuisibles et que vous ferez le nécessaire pour sanctionner ces truquages et abus.

Veuillez croire Monsieur lʼinspecteur à lʼassurance de mes sentiments respectueux. »

On entend, dans la bouche de certains commentateurs que le rejet du projet de loi El Khomeri serait un réflexe conservateur. Faire bosser des apprentis 10 heures par jour serait alors un gage de modernisme et dʼinnovation ? On ne sait pas si le code du travail est un handicap pour les employeurs, mais force est de constater que son épaisseur a au moins lʼavantage pour certains patrons, de pouvoir sʼasseoir dessus…

> Ar Skridaozerezh / La Rédaction

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