L’organisation d’un référendum sur le projet d’aéroport à Notre-Dame des Landes aurait pu être une solution pour sortir du conflit qui oppose partisans et opposants à cette infrastructure. Pour autant, la façon dont cette consultation est envisagée ne garantit pas qu’elle puisse permettre une sortie de crise.
Après des années de conflit opposant les « pro » et les « anti » sur un projet que la démocratie représentative n’arrive pas à faire émerger, l’idée d’une consultation des citoyens s’impose. Certains affirmeront que les électeurs ont déjà pris position en élisant des représentants ayant clairement affiché leur soutien au projet d’aéroport. C’est là confondre une élection et un référendum qui sont par nature deux exercices démocratiques distincts. Le premier vise à élire des représentants portant un programme composé de propositions sur des sujets divers, dépassant la simple question de l’aéroport, tandis que le second permet de prendre position sur un projet précis et unique. Ainsi, l’élection de Johanna Rolland, Philippe Grosvalet ou Bruno Retailleau ne saurait se confondre avec un plébiscite populaire pour l’aéroport. Dans la situation de blocage qui entoure aujourd’hui la question de Notre-Dame des Landes, où la violence des uns et des autres conduit à un statut-quo, le recours à une forme de démocratie directe qu’est le référendum est nécessaire.
L’annonce du gouvernement d’organiser une consultation aurait donc pu être l’occasion d’un exercice démocratique souhaitable, une voie de sortie de crise, certes tardive mais adaptée. Là où le gouvernement aurait pu sortir de cette situation par le haut, il risque pourtant de ne rien résoudre tant la méthode employée est désastreuse. La consultation ne résulte en effet d’aucune discussion tant avec les collectivités concernées par l’aéroport qu’avec les associations qui soutiennent ou s’opposent à ce projet. A l’inverse d’une démarche de co-construction, essentielle pour asseoir la légitimité d’une consultation de ce type, le gouvernement agit verticalement, imposant du jour au lendemain sa méthode. Méthode qui est par ailleurs autant imposée que floue. Le cadre juridique d’une telle consultation est inexistant, le périmètre dans un premier temps inconnu, la question posée aux électeurs est improvisée par le président au micro d’une radio avant d’être finalement changée. Face à la cacophonie entourant un projet décrété unilatéralement au détour de l’entrée d’une écologiste à la veste retournée dans le gouvernement tout indique un coup politique là où l’on aurait dû acter un processus démocratique.
Ainsi, ni la question posée, ni les modalités d’organisation du débat n’ont été débattues entre les différentes parties, tout comme le périmètre de la consultation. La décision du gouvernement d’organiser le vote uniquement sur le département de la Loire-Atlantique ne manque d’ailleurs pas d’être vue comme une manœuvre. Comment comprendre qu’un projet d’aéroport nommé « du Grand-Ouest », pour lequel les contribuables de deux régions administratives sont sollicités ne soit soumis au vote que des seuls habitants d’un département ? Certes, les Régions Pays-de-la-Loire et Bretagne ont refusé de s’engager dans cette consultation, l’une étant aux mains des « Républicains » et l’autre probablement peu encline à s’investir sur une pente glissante. Mais de toute façon ce ne sont pas elles qui décident, c’est le gouvernement. Du côté de la Loire-Atlantique, notons l’explication ahurissante de son président, Philippe Grosvalet dans Libération : «Il ne s’agit pas d’un nouvel aéroport pour l’Ouest, mais du transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique à Notre-Dame-des-Landes, les impacts sont pour les habitants de Loire-Atlantique ». C’est le même élu qui déclarait fin janvier à Ouest-France que « rien ne s’oppose au début des travaux de ce projet important pour le développement et l’avenir du Grand Ouest ». De telles déclarations, contredisant l’argumentaire de l’ensemble des partisans à l’aéroport et ses propres propos ne sont pas sans poser question sur le choix de ce périmètre. Que ce soit une manœuvre pour faire gagner le « oui », comme le pense le maire de Notre-Dame des Landes ou pas, le fait que la zone du vote n’ait fait l’objet d’aucun débat entre les différentes parties ne contribuera certainement pas à asseoir la légitimité du résultat de la consultation.
Les opposants notent également les courts délais entre l’annonce du référendum et la date du vote qui aura lieu à la fin du mois de juin, arguant d’un manque de temps pour le débat. Le problème n’est pourtant pas réellement là puisque le débat est présent sur la place publique depuis des années. Il se situe davantage sur les moyens qui seront engagés pour faire campagne avec, n’en doutons pas, l’utilisation d’argent public par les collectivités locales pour soutenir le « oui ». Rappelons en effet que le conseil régional des Pays-de-la-Loire avait engagé une campagne de communication pour le Grand-Ouest lors de de la réforme territoriale. Au-delà des 300 000 euros engagés pour cela, le site de la collectivité avait été utilisé pour une pétition allant dans ce sens, tout comme celui du conseil départemental. Certes, dans une campagne, les rapports de forces ne sont jamais équilibrés entre les différentes parties mais que l’une d’entre-elles bénéficie de l’argent public de l’ensemble des contribuables n’est pas sans poser un problème démocratique. Là encore la co-construction de la consultation avec l’ensemble des parties aurait permis de clarifier ce point.
Dans un tel contexte, il est fort probable que cette consultation ne soit qu’un coup d’épée dans l’eau en cas de victoire du « oui » car les opposants pourront s’appuyer une pléiade d’arguments fragilisant la légitimité de la consultation. Si pour l’heure il apparaît que les collectivités locales seront, elles, plus en peine de contester une victoire du « non » rien n’est à exclure dans les mois à venir. Quant à ce gouvernement qui a renié ses engagements les uns après les autres depuis 2012, la confiance que l’on peut avoir dans sa capacité à tenir ses promesses est bien émoussée. Pour ne pas dire plus.