Le 22 décembre dernier, Jef Monnier et plusieurs autres militants associatifs ou politiques (une vingtaine) se sont retrouvés être lʼobjet dʼun article intitulé « Rennes : Note de renseignement sur le réseau d’extrême-gauche soutenant activement l’immigration clandestine » sur le site dʼextrême-droite Breiz Atao. Le Peuple breton a donné la parole à ce militant UDB qui explique la raison pour laquelle ils ont choisi de porter plainte…
Nos noms sont affichés, accompagnés dʼune biographie souvent erronée ou obsolète ainsi que pour certains dʼune photo récupérée sur Internet. Nous sommes pour la plupart des personnes engagées dans le soutien aux migrants, mais parmi nous se trouvent aussi des militants féministes ou LGBT.
Je dois dire quʼhabituellement, la prose de ce site me fait plutôt rire tellement elle est caricaturale et déconnectée de la réalité. Jʼavais dʼailleurs déjà été le sujet dʼun article qui ne mʼavait fait ni chaud ni froid. Être présent sur ce site est même quelque chose dʼhonorable car les personnes qui y sont attaquées le sont généralement soit pour leurs engagements humanistes, soit parce quʼelles participent à lʼouverture de la Bretagne. En soi, cet article ne me dérange donc même pas. Le fait de voir mes engagements mis en avant ne me pose pas de problème, ils sont notoires et je les assume complètement. Me retrouver cité avec certains militants que jʼaffectionne et que jʼadmire me ferait même plaisir.
Je ne suis pas non plus un procédurier. Attaquer les gens en justice ne mʼa jamais attiré. Cela ne fait habituellement pas partie de mes méthodes. Dʼautant plus quand la personne attaquée est connue pour ne pas sʼinquiéter ou tenir compte de ses soucis judiciaires. Rappelons ici que lʼauteur principal du site Breiz Atao a été condamné à de multiples reprises, y compris à de la prison ferme, et quʼil est recherché par la police.
Et pourtant, je fais partie des personnes qui ont déposé plainte avec constitution de parties civiles pour injures publiques et provocation publique à la commission de crimes ou délits. Si jʼai participé à ce dépôt de plainte, cʼest que la donne a changé.
Il ne sʼagit plus ici de billets dʼhumeurs risibles auxquels ce site nous avait habitués. La volonté de lʼauteur est ainsi clairement affichée : « ficher systématiquement les têtes de la nébuleuse rouge » et « renseigner les patriotes bretons sur les activités subversives des éléments marxistes et apparentés en faveur de l’afro-islamisation de la Bretagne ». Ficher des personnes pour leurs opinions politiques, cela nʼa rien dʼanodin. Cela nous renvoie fatalement aux heures les plus sombres de lʼhistoire de lʼhumanité. On ne fiche pas les gens sans raisons, il y a toujours des objectifs visés.
Et là aussi, ceux de lʼauteur sont très clairs puisquʼil appelle dans un édito à « détruire l’extrême gauche », à « repérer, identifier, détruire […] les derniers lépreux du gauchisme », ces lépreux étant avant tout « de maigres cohortes de pouilleux composés de marginaux édentés, de drogués, de SDFs en état d’ébriété avancé, de fonctionnaires petit-bourgeois, de lesbiennes hystériques et autres sodomites patentés ».
Certes, nous pourrions nous dire que ce ne sont que les énièmes propos délirants dʼun individu isolé, mais ce nʼest pas le cas. Par le biais des réseaux sociaux, ce site et son auteur font des émules. La page Facebook de Breiz Atao est aimée par 5823 personnes (précisons que Facebook, interpellée, a répondu que cette page de contrevenait pas à son règlement et à sa charte). Le compte Twitter de Boris Le Lay (auteur principal du site) compte 3567 abonnés.
Tout ceci se déroule aussi dans un contexte des plus inquiétants. Le FN continue de progresser, en particulier en Bretagne jusque-là relativement préservée. Lʼextrême-droite la plus radicale en Bretagne, dont Breiz Atao est une tête de pont, y multiplie les coups de force. Les idées dangereuses de lʼextrême-droite ont été banalisées par Nicolas Sarkozy et ses acolytes lorsquʼils étaient au pouvoir. Le PS qui lʼest aujourdʼhui nʼa malheureusement pas cru bon de démentir cette banalisation. Et tout ceci sʼest encore exacerbé à la suite des attentats islamistes en 2015.
Lʼextrême-droite droite qui fiche les gens qui ne lui plaisent pas, qui appelle à la violence, voir au meurtre nʼest pas un fantasme. Elle existe et elle essaie de sʼimplanter en Bretagne. Face a cela, nous, humanistes et progressistes, nous devons réagir, être solidaires, dénoncer ces agissements et contre-attaquer politiquement et juridiquement sʼil le faut. Que la réaction à cette entreprise de fichage soit le point de départ dʼune mobilisation, non pas seulement contre lʼimplantation de lʼextrême-droite et de ses méthodes en Bretagne, mais pour lʼinstauration dʼune société bretonne, juste, solidaire, ouverte, diverse et plurielle.