Grandes et petites manœuvres de nos « élites »

marionnettes

La caste politique hexagonale « de gôche » nous offre ces jours-ci un spectacle que, blasés, nous ne savons plus apprécier à sa juste valeur. Et pourtant…

Le pouvoir, empêtré dans son projet de loi Travail, voit naître sur Internet une pétition qui dépasse le million de signataires. Les organisations syndicales de salariés, d’étudiants, de lycéens, se rassemblent pour s’opposer au massacre programmé du Code du travail et envisagent des journées d’action le 9 mars, jour de l’examen du projet de loi en Conseil des ministres, et le 31 du même mois.

Comment se sortir de la nasse ? Par des manœuvres assez classiques :

1. Diviser les opposants. Pas trop difficile quand on sait que le monde du travail est partagé entre deux grands courants, l’un plutôt radical, l’autre plutôt réformiste. Le premier est porté à l’opposition frontale au pouvoir et au patronat, même s’il signe finalement la plupart des grands – et moins grands – accords sociaux. Le second est plus enclin au compromis et s’accommode plus facilement de reculs des acquis sociaux, pour peu qu’ils soient compensés par des avancées nouvelles – supposées ou réelles.

2. Jouer du calendrier. Des manifestations sont-elles prévues le 9 ? Qu’à cela ne tienne, on retarde l’examen du projet de loi de deux semaines, au 23, tout en le rétrogradant au rang d’« avant-projet de loi », soi-disant pour dégager des espaces de « discussion ». Pourquoi le 23 ? Cette date présente l’avantage d’être située après la journée d’action du 9 qu’on prévoit peu mobilisatrice, puisque les opposants ont eu la naïveté de l’organiser en annonçant un « gros truc » pour le 31. On va donc adopter le projet de loi sans pression excessive, et, le 31, il sera trop tard pour les manifestants. Gouverner, c’est prévoir, et c’est aussi être stratège !

3. Jouer des médias. Cette journée syndicale du 9, il faut qu’elle soit vraiment négligeable pour pouvoir, si ça se radicalise ensuite, jouer la bonne foi surprise : « Comment aurions-nous pu deviner une opposition si déterminée, alors que, le 9, il n’y avait presque personne dans la rue ? » Le courant réformiste a déjà annoncé son abstention pour le 9, certes, mais si cette journée connaissait quand même le succès, ce serait raté et ledit courant, sur lequel on pense pouvoir s’appuyer pour parvenir à un accord a minima, en sortirait affaibli. On va donc communiquer des éléments de langage aux journalistes les moins critiques. Il suffit que quelques-uns d’entre eux les lancent pour qu’ils soient repris sans examen par la quasi-totalité de la profession. Et c’est ainsi qu’on voit et entend en ce moment vanter la « grande » journée – sans doute unitaire – du 31, tandis que le 9 ne serait qu’un vague « tour de chauffe » sans grande signification ni importance.

Après tout cela, faut-il vous faire un dessin ? Ceux qui voudront contrecarrer les petites habiletés manœuvrières des princes qui nous gouvernent seront présents le 9 mars. L’état de la mobilisation populaire comptera à coup sûr dans l’appréciation de la situation par le gouvernement.

> Jean-Claude Le Gouaille

Jean-Claude Le Gouaille est en charge de la partie en langue bretonne du Peuple breton. Membre de l'association des Correcteurs de Bretagne, il est aussi syndicaliste.