Il y a quelques jours, un de nos deux grands quotidiens régionaux titrait à propos des compteurs électriques « intelligents » nouvelle génération « arguments à charge et à décharge » et continuait en disant « la contestation contre lʼinstallation des compteurs dʼélectricité Linky ne cesse de sʼamplifier en Bretagne. Petit rappel des faits et présentation des arguments à charge et à décharge dʼERDF et de ses opposants, pour bien comprendre les enjeux du débat. »
Info ou intox ? Arguments à décharge ? On peut en douter quand on lit : « aucun danger, affirme ERDF, il ne sʼagit pas dʼondes électromagnétiques, mais électriques émises la nuit pendant moins dʼune minute. »
On peut appeler à la rescousse entre autres savants Ampère, Maxwell et même Einstein (excusez du peu), pour affirmer quʼun courant électrique passant dans un conducteur génère obligatoirement un champ électromagnétique et donc des ondes électromagnétiques et surement pas « juste électriques » ! Il serait dʼailleurs plus correct de dire rayonnement électromagnétique, qui est le phénomène étudié, et pas onde électromagnétique, qui est une des représentations du phénomène.
Si ERDF a dit ça, cʼest de lʼintox! Il faut dire quʼon vit dans un monde où lʼintox est un sport national qui ne date pas dʼhier et est toujours dʼactualité.
Pour le rappeler, deux faits. Il y a peu, Radio Breizh Izel repassait une émission dʼil y a une vingtaine dʼannées. Quelquʼun y disait à propos de lʼarrivée des algues vertes sur la côte nord, que « certes lʼodeur était pestilentielle, mais le gaz était tout a fait inoffensif ». Demandons à la famille de Thierry Morfoisse ou encore à Vincent Petit, propriétaire du cheval décédé, ce quʼils en pensent !
Et ces temps-ci, François Hollande était au coeur de lʼactualité à propos des victimes, de longues années après des explosions nucléaires en Polynésie (victimes la plupart non reconnues). La télévision repassait alors le film dʼun de ces essais où lʼon voyait des militaires regardant le champignon nucléaire. Le commentaire disait que le nuage était spectaculaire mais que « les scientifiques nous assurent quʼil ne présente aucun danger ». Alors info ? Non, là aussi intox !
Mais revenons aux compteurs. Comment fonctionnent-ils ? ERDF affirme dans des réunions dʼinformation que les compteurs ne seront lus quʼune fois par jour. En fait, cʼest vrai pour la lecture des index des compteurs, mais ERDF omet de dire quʼil y aura une lecture en temps réel du débit consommé par chaque abonné afin dʼenregistrer la « courbe de charge ». Plus précisément, les compteurs sont formatés à la pose pour être lus toutes les 30 minutes et cette cadence est programmable et peut descendre à 10 minutes, limite qui leur a été imposée par la CNIL. Indépendamment de lʼaspect technique, nous sommes déjà pistés par nos portables, ordinateurs, GPS et autres, nous serons encore plus pistés par notre consommation : quand on se lève, quand on se couche, quand a-t-il quelquʼun à la maison…
Un consommateur dʼun autre département déjà équipé dʼun Linky a dʼailleurs questionné ERDF : « Aujourdʼhui mon compteur Linky ne me donne pas ma consommation heure par heure, mais juste mon volume de consommation. Ce que jʼavais déjà avec mon ancien compteur. Je ne vois aucun avantage réel pour les consommateurs. » La réponse a été : « Effectivement, aujourdʼhui, le particulier nʼa pas accès à ces données. Mais dans quelques semaines, les clients de Linky depuis plusieurs années, et les nouveaux clients, vont bénéficier dʼun service gratuit pour y accéder. Un identifiant leur sera donné pour se connecter, ils pourront ainsi consulter le détail de leur consommation très librement, heure par heure, par semaine ou par mois. » Si chacun peut le faire, la police aussi ! De même que des hackers ? On arrive de plus en plus dans lʼère Big Brother.
Peut-on sʼopposer à la pose des compteurs ? Là encore, réponse dʼERDF : « Le client ne peut pas sʼopposer à la pose du compteur car celui-ci nʼappartient pas au particulier mais à la collectivité. Nous avons obtenu tous les décrets et arrêtés nous donnant une légitimité règlementaire et législative pour la pose des compteurs. En cas de refus dʼun client, on va prendre le temps de lui expliquer le compteur et de négocier. Lʼenvoi dʼune lettre recommandée nʼaura aucune valeur juridique. On ne va néanmoins pas contraindre à lʼinstallation. Les personnes qui refusent le compteur seront juste en décalage avec leurs voisins. Ils finiront par y venir les années suivantes. »
Il faut dire quʼil nʼy pas que Linky, Il y a aussi Gazpar, le compteur de gaz lui aussi « intelligent » proposé par GRDF sur le même principe. La situation est complexe, car les compteurs Linky et Gazpar nʼont pas les mêmes propriétaires. Une particularité du compteur Gazpar est que, contrairement au compteur dʼélectricité Linky, il nʼexpédie pas ses informations par fils mais directement par ondes. De fait, GRDF a absolument besoin de lʼaccord de la commune pour installer, sur un ou des bâtiments hauts (église ou autre), un ou des « répartiteurs » : des antennes à même de recevoir les informations des compteurs Gazpar. Il suffit donc à une commune de refuser dʼaccorder cette autorisation pour que GrDF se retrouve coincé : ce ne sont pas les compteurs à proprement parler qui sont interdits, mais à quoi bon les installer si leurs informations ne peuvent être recueillies ?
Cʼest ainsi au sujet de Gazpar que la commune de St Macaire, (dont un des conseillers municipaux nʼest autres que Stéphane Lhomme, fondateur de l’Observatoire du Nucléaire), a décidé de refuser à lʼunanimité la pose de ces compteurs (voir ici).
Par contre, contrairement à Gazpar, le compteur Linky envoie ses informations dans un premier temps par les fils électriques déjà existants, sans avoir besoin a priori de demander à la commune lʼautorisation dʼinstaller un ou des répartiteurs.
Mais la commune a une autre façon dʼagir car elle est généralement propriétaires des compteurs dʼélectricité alors que, souvent, ce nʼest pas le cas pour les compteurs de gaz et dʼeau (situations à vérifier au cas par cas). Mais « Maire info », quotidien dʼinformation de « lʼAssociation des Maires de France » affirme en date du 2 décembre 2015 que « les collectivités seront bien propriétaires des compteurs Linky ».
Ce qui est sûr, cʼest que chacun peut consulter sa mairie pour savoir quelle est sa position. Et on ne peut que conseiller tout un chacun dʼassister aux réunions publiques dʼinformation qui commencent à se tenir un peu partout, comme celle qui vient dʼavoir lieu à Berrien dans le Kreiz Breizh, en présence du maire, et avec la participation dʼun représentant de lʼAssociation Robin des Toits. Il faut dire que Berrien donne lʼexemple en arborant à lʼentrée du bourg depuis plusieurs mois une pancarte « Commune anti-TAFTA ». Mais là cʼest un autre sujet, et un vaste sujet !