La désormais très célèbre série américaine House of cards a fait des adeptes… au gouvernement ! Les petits calculs politiciens sont souvent discrets, mais une fois le tour joué, révèlent tout le cynisme dʼune caste politique habituée au pouvoir. Ce genre de scénario ne se joue hélas pas que dans les séries. Le remaniement, de ce point de vue, a été un exercice de style. Le Peuple breton a entendu quelques bruits de couloir (non exhaustifs)…
Quand on déplace un pion, cʼest lʼensemble du jeu qui vacille et il faut être éminemment stratège pour conserver le pouvoir. François Hollande, qui grenouille dans les sphères dominantes depuis la première élection de Mitterrand, semble un as de la pratique quʼil a dʼailleurs appliquée lors du dernier remaniement ministériel. Il fallait dʼabord virer ceux qui posent problème (Taubira a démissionné) ou ceux qui, comme Marylise Lebranchu, peuvent être remplacés à peu de frais puisquʼils peuvent reprendre leur poste de député (pauvre Gwenegan Bui, son suppléant !)
En appelant auprès de lui Nicolas Hulot, le président de la République entendait supprimer un concurrent de la course à la présidentielle. Le médiatique écologiste a décliné sa proposition. Il lui fallait malgré tout des écologistes, mais lesquels ? On aurait pu penser que François de Rugy, député de Loire-Atlantique, après avoir soutenu ardemment le gouvernement dans la presse, allait être récompensé. Mais cʼest mal comprendre les rapports de force que de croire quʼon obtient gain de cause en pliant genou sans quʼon vous le demande ! Barbara Pompili a été plus maligne. Comme son collègue – accessoirement mari dʼEmmanuelle Cosse –, Denis Baupin, elle a voté pour le projet de loi constitutionnelle dit de « protection de la nation » (comprenant état dʼurgence et déchéance de nationalité). Pourtant, elle a bien voté contre lʼarticle 2 sur la déchéance de nationalité. Voter contre un tel article et voter pour le texte global relève de la schizophrénie, non ? À moins quʼà la clef soit promis une carotte…
Or, cette carotte ministérielle était convoitée par beaucoup dʼautres personnes. On dit par exemple dans les couloirs de la ville de Rennes que le résultat du remaniement a rendu furieuse Nathalie Appéré, maire et députée. Cette dernière est en effet présidente de lʼAgence nationale de lʼHabitat (ANAH) depuis juin 2015 et convoitait le Ministère du logement, abandonné à Emmanuelle Cosse en échange dʼune trahison de sa famille politique à un an des présidentielles. On comprend dʼautant mieux le vote positif sur lʼétat dʼurgence de Marie-Anne Chapdelaine, députée connue à Rennes pour être une militante de terrain et aux convictions de gauche affirmée. Surtout ne pas faire de vague…
La politique, soit on la pratique avec des convictions, soit on la pratique à coup dʼarrangements, mais dans le dernier cas, il ne faut pas sʼattendre à changer le monde. Jean-Marc Ayrault, ex-Premier Ministre, a abandonné cette idée depuis longtemps visiblement. On se souvient quʼil avait été prompt à dénoncer le gouvernement et la déchéance de nationalité (voir ici). Un peu trop hâtif sans doute puisquʼaprès réflexion, lui aussi a voté pour. On comprend mieux au regard de son retour au gouvernement !
Quant à Jean-Vincent Placé, bien que parfaitement inutile politiquement car sans appui populaire, son débauchage était essentiel pour casser le groupe écolo du Sénat. Et cela nʼa pas manqué : si dʼici mars, les sénateurs écologistes ne trouvent pas un remplaçant, la suite au Sénat se ferait sans moyen pour eux, privés dʼun des leurs et donc en-deça de la limite pour former un groupe ! Une raison de plus dʼavoir la haine pour les adhérents à mille lieux de ces manigances.
En tout, selon une source, « une bonne cinquantaine de coups de téléphone » auraient été passés par François Hollande et Manuel Valls pour sʼassurer des votes lors du débat à lʼAssemblée. Décidemment, la politique autrement, ce nʼest certainement pas pour maintenant… Tant que lʼon achetera les députés avec des maroquins comme on achèterait des enfants naïfs avec des sucreries, on ne pourra guère plus réhabiliter la politique.