Le Peuple breton publie ci-dessous, dans son intégralité, une tribune du porte-parole de lʼUnion démocratique bretonne, Nil Caouissin, à propos de la crise agricole actuelle.
Depuis des mois la crise frappe les agriculteurs en Bretagne, en particulier les éleveurs de porc et de vaches laitières. Entre un cinquième et un quart de ces producteurs pourrait disparaître à court terme : en raison de prix trop bas, ils produisent à perte. Si rien nʼest fait la Bretagne risque de perdre la moitié de ses agriculteurs dʼici 2025. Pour lʼUDB, cette hémorragie nʼest pas acceptable : la concentration des exploitations nous amènerait vers un modèle aux mains des financiers, où les producteurs nʼauraient plus aucune autonomie, et qui accentuerait encore le déclin démographique des campagnes.
La réponse des pouvoirs publics a jusquʼici consisté en des plans dʼaides ponctuelles. Quelles que soient les somme engagées, elles ne résoudront rien. À titre dʼexemple : à quoi sert dʼallouer 10 000 € dʼaides à un producteur qui en perd 7000 par semaine ? Plutôt que de remplir le tonneau des Danaïdes, les pouvoirs publics doivent prendre des mesures structurelles, le plus rapidement possible.
Lʼurgence est bien sûr de faire face à la concurrence déloyale qui sʼexerce à lʼintérieur même de lʼUnion européenne : les producteurs bretons doivent faire avec des charges et des contraintes sanitaires, écologiques, sociales, qui ont bien sûr leur justification mais qui se transforment en handicaps quand les produits bretons se retrouvent en concurrence avec ceux de pays où les mêmes règles ne sʼappliquent pas. Depuis la fin du système des quotas, il nʼy a plus de frein et la surproduction sʼajoute au dumping social. Les prix sʼeffondrent et les agriculteurs, en première ligne face à la grand distribution et aux transformateurs, ne font pas le poids.
Pour lʼUDB, les normes qui sʼappliquent à lʼagriculture sont légitimes. Elles contribuent à la protection de la santé des producteurs comme des consommateurs. Aussi, bien que certaines simplications sont sans doute nécessaires, elles doivent être conservées. Cela nʼest possible que si les efforts supplémentaires consentis par les producteurs par rapport à leurs concurrents sont reconnus. En ce sens, il est indispensable de faire adopter rapidement une loi sur lʼétiquetage dʼorigine de tous les produits alimentaires, y compris les produits transformés : le consommateur doit au moins savoir de quel région vient le produit quʼil achète. Le traçage est déjà en place, il ne manque que la volonté politique de lʼindiquer sur une étiquette. Sans cela, la solidarité de la population avec les agriculteurs et éleveurs est tout simplement impossible.
Dans le même temps, et même si ce chantier ne peut aboutir aussi vite, le gouvernement doit sʼatteler à un dialogue pour reconstruire un mécanisme européen de régulation. Il est sans doute possible de faire plus souple que le système des quotas, lʼessentiel étant dʼadapter lʼoffre à la demande pour éviter la surproduction et garantir des prix rémunérateurs. Cʼest le contraire que fait aujourdʼhui François Hollande, comme la Commission européenne, en négociant avec les Etats-Unis un traité de libre-échange qui fait peser de lourdes menaces sur lʼagriculture. Un abandon officiel de ce projet de la part du gouvernement serait un signe positif, qui prouverait sa volonté dʼaboutir réellement à une réorganisation équitable du marché européen.
Bien sûr, il est aussi nécessaire pour les producteurs de sʼorganiser, de réformer le fonctionnement des coopératives, de se regrouper, dʼinvestir dans les filières de transformation et de commercialisation pour peser face à la grande distribution et obtenir un rééquilibrage de la valeur. Le travail sur la qualité, sur lʼimpact environnemental et sur la maîtrise des coûts de production doit aussi se poursuivre. Une concertation devra avoir lieu sur la refonte de la fiscalité et du système de protection sociale qui sʼappliquent aux agriculteurs, pour mieux tenir compte de la lʼirrégularité de leurs revenus. Mais ces chantiers ne sont envisageables que dans une atmosphère sereine, où les producteurs ne vivront pas dans lʼangoisse permanente et la recherche de solutions de court terme pour repousser la faillite. Il leur faut un répit pour se réorganiser. Au lieu de leur apporter des plans dʼaides à court terme pourquoi ne pas les aider financièrement à se réapproprier leur outil de stockage et de transformation ?
L’Union démocratique bretonne interpelle les parlementaires bretons élus à l’Assemblée nationale, au Sénat et au Parlement européen : que pensent-ils de ces mesures ? Sont-ils prêts à les défendre, même contre les consignes de leur parti ?