Anne-Katell Quentric : « Pourquoi vouloir casser ce qui marche ? »

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Anne-Katell Quentric, porte-parole du collectif “Vent debout pour l’emploi” et Nil Caouissin, porte-parole de l’UDB.

Interview dʼAnne-Katell Quentric, porte-parole du collectif des salariés du CMB Arkea « Vent debout pour lʼemploi », après la manifestation du dimanche 24 janvier à Brest, suite à un entretien avec Nil Caouissin, porte-parole de lʼUnion démocratique bretonne.

Le Peuple breton : Dʼoù vient le collectif Vent debout pour lʼemploi ? Comment fonctionne-t-il ?

Anne-Katell Quentric : Le collectif a été créé le 10 novembre 2015, à l’initiative d’un groupe de salariés. Suite au démarrage à marche forcée de la réforme de la Confédération Nationale du Crédit Mutuel, mi-octobre, ces salariés ont pris conscience du risque politique du dossier. Par ailleurs, ils réalisaient que le grand public ne comprenait pas forcément les enjeux techniques de cette réforme et passaient à côté de l’essentiel : l’enjeu pour l’emploi sur les territoires. Il y a très vite eu une base de 400 personnes, puis le mouvement a gagné les réseaux de caisses locales en Bretagne, dans le Massif Centrale et le Sud Ouest. Le fonctionnement est très participatif. Par la suite, un collectif dʼadministrateurs sʼest aussi créé. Nous avions prévu un rassemblement le 22 novembre, mais il a fallu le reporter à cause des attentats.

Comment se sont passés vos débuts comme porte-parole du collectif ? Vous aviez de lʼexpérience dans ce domaine ?

On apprend en marchant. Je n’ai jamais organisé ce type de rassemblement ! Heureusement, il y a un noyau dur de bénévoles qui fait un gros boulot. Il y a ceux qui communiquent sur les réseaux sociaux, ceux qui organisent… Mon poste de travail, à la base, me met beaucoup en contact avec dʼautres acteurs économiques liés à un moment ou un autre au Crédit Mutuel Arkéa. Cela mʼa fait comprendre lʼimportance du Crédit Mutuel Arkéa dans le tissu économique breton. »

Le bonnet distribué aux manifestants, cʼest une référence au mouvement des bonnets rouges ?

Cʼest un clin dʼoeil : les couleurs du Crédit Mutuel Arkéa sur le bonnet, dont le rouge qui symbolise la détermination des Bretons. On avait besoin dʼun signe de ralliement. Et puis, on avait cru que pour une manifestation en plein mois de janvier, ce ne serait pas inutile dʼavoir un bonnet sur la tête !

On a beaucoup parlé dʼautonomie dans le rassemblement de dimanche. Cʼest une notion importante pour vous ? Pourtant, les grands regroupements sont à la mode, dans le domaine institutionnel comme dans le monde économique…

Cʼest cette autonomie qui nous permet de maintenir des centres de décisions et des emplois à la pointe bretonne ! Si nous perdions cette autonomie, beaucoup dʼemplois de directions et de conception de nos produits seraient déplacés à Paris ou à Strasbourg. De plus, 90 % des décisions de crédit se font localement. En fait, nos produits sont adaptés aux besoins du territoire.

Pourquoi mettre en risque des milliers d’emploi dans une entreprise solide financièrement et en plein développement ? En effet, le Crédit Mutuel Arkéa ne sʼest jamais aussi bien portée quʼen ce moment ! Pourquoi vouloir casser ce qui marche ?

Certes nous représentons environ 15 % de l’activité du Crédit Mutuel en France, mais nous sommes la 40e banque au niveau européen. Ce nʼest pas un handicap. Cʼest même un point fort. Notre agilité, notre proximité, l’expertise que nous développons sur le numérique, et un réseau physique réduit au niveau national, à un moment de forte mutation des métiers financiers, sont un avantage.

Notre présence, lʼexistence du siège au Relecq-Kerhuon, les partenariats noués en Bretagne, permettent aussi à dʼautres entreprises de maintenir leur siège ici. Notre impact économique est significatif en Bretagne. On estime que pour deux salariés du CMB, un emploi indirect est créé à lʼextérieur, ce qui donnerait un total de 9 000 emplois en Bretagne, sans compter les 1600 fournisseurs avec qui nous travaillons. Et nous sommes le premier employeur privé du Finistère (3600 salariés). Sans compter les étudiants que nous accueillons et formons (800 stagiaires, alternants, apprentis tous les ans en Bretagne) et les formations que nous assurons dans les grands écoles et les universités de nos territoires.

Justement, tout danger est-il écarté ? Êtes-vous satisfaits de la mobilisation de dimanche ?

On est très satisfaits de la mobilisation. On s’était fixé un objectif de 10 000 personnes, il y en a finalement eu bien plus, environ 15 000, et pas seulement des salariés et des administrateurs. Les acteurs du territoire ont répondu présent. Cette solidarité et cette unité qui dépasse les cloisons professionnelles, cʼest quelque chose quʼon sait faire en Bretagne. Cʼest assez rare. Mais il faut rester mobilisés : on a beau avoir remporté deux victoires (la première avec la décision de justice bloquant le processus), la route est encore longue vers la garantie du maintien de notre autonomie.

Un nouveau grand rassemblement en vue ?

Ce rassemblement était un premier coup de semonce, nous verrons en fonction de l’évolution de la situation. Et pour se mobiliser, on a de lʼimagination…

Une dernière question. Nʼest-ce pas étrange de voir les gens se mobiliser pour une banque ? Les milieux financiers ont quand même une responsabilité dans la crise économique et la montée des inégalités…

Cʼest vrai, les banques ne sont pas toujours bien vues, surtout depuis la crise de 2008 ! Mais le Crédit Mutuel Arkéa nʼest pas une banque comme les autres. On est coopératif et mutualiste, on décide localement. Notre banque territoriale n’est pas cotée en bourse, le résultat est réinvesti dans notre développement au service de nos sociétaires et clients. Le fait de ne pas avoir à distribuer de dividendes à des actionnaires nous permet dʼavoir une logique de long terme.

> Ar Skridaozerezh / La Rédaction

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