Extension des pouvoirs de la police : état d’urgence ou État d’urgence ?

état d'urgence

En matière de terrorisme, le gouvernement se doit de gérer deux choses : l’organisation d’un système de protection nationale exceptionnel et l’émotion populaire. Cette dernière est en réalité bien plus difficile à gérer pour le gouvernement : les français attendent de l’action. La priorité devient donc celle de légiférer au plus vite afin calmer les esprits au mépris des textes existants en la matière (qui n’ont parfois même pas eu le temps de s’appliquer). La législation prend alors l’aspect d’un pur processus marketing stimulant constamment les besoins d’un consommateur de plus en plus exigeant.

C’est à la suite des attentats que l’état d’urgence fut prononcé le 14 novembre 2015, allongé de 3 mois par la suite pour finir le 26 février prochain. Dans la foulée, de sérieuses modifications ont été revendiquées : la déchéance de nationalité ou encore, plus récemment, l’extension des pouvoirs de la police. En effet, c’est dans un projet de loi soumis au Conseil d’État que l’on apprend, par le journal Le Monde, la volonté du gouvernement de « renforcer de façon pérenne les outils et moyens mis à disposition des autorités administratives et judiciaires, en dehors du cadre juridique temporaire mis en œuvre dans le cadre de l’état d’urgence ». Ne nous dit-on pas clairement que l’état d’urgence deviendrait la norme pour devenir un État d’urgence ?

On y apprend donc premièrement que les perquisitions administratives (préfectorales) de nuit pourront être sollicitées dans les affaires en relation avec le terrorisme et seront même possibles de manière préventive en ayant pour seul motif de « prévenir un risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique ». Il suffirait donc d’un simple « risque » pour permettre une perquisition. Qu’entend-t-on par la notion de « risque »? A l’heure déjà où la simple couleur de peau ou l’appartenance à la communauté musulmane sont des motifs pour des contrôles d’identité ou de perquisitions administratives, il est normal de s’inquiéter de l’ampleur que pourrait prendre cette mesure. Il n’est pas inutile de rappeler, de plus, que les différentes perquisitions prononcées après les attentats ont souvent été à l’origine de dégâts matériels (portes enfoncées, pièces bazardées…) mais aussi physiques (plusieurs perquisitionnés témoignent de la violence des forces de l’ordre à leur égard occasionnant parfois des hématomes).

Ensuite, ces mêmes forces de l’ordre pourraient retenir une personne, même mineure, sans la présence légale et légitime de son avocat. Si ces mesures sont déjà autorisées par l’article 706-73 du Code de procédure pénale pour certaines infractions spécifiques, l’extension de ces mesures aux personnes mineures rétrécit petit-à-petit le champ d’application des droits de la défense pourtant protégés dans l’ordre interne ou international.

Enfin, toute personne revenant de Syrie ou d’Irak pourrait être contrôlée ou assignée à résidence. Autant dire que la stigmatisation est à son comble : toute personne revenant de Syrie ou d’Irak est potentiellement un terroriste.

Est-on prêt à sacrifier nos libertés pour un peu de sécurité ? Est-on prêt à permettre l’accentuation de la stigmatisation et le repli sur soi au profit d’une prétendue sécurité ? Il semblerait que B. Franklin ait été oublié dans tout cela, celui-ci qui pourtant disait qu’un « peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité, ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux ».

> Marion Danaire

Née en 1995, Marion Danaire est étudiante en 3ème année de droit privé à l’Université de Bretagne-Sud à Vannes. Passionnée de droit comparé international, Marion est particulièrement sensible et attentive aux luttes contre les discriminations sociales et raciales.