La liste Pè a Corsica fusionnant les listes de Gilles Simeoni et de Jean-Guy Talamoni a remporté lʼélection très nettement (35,34 % des voix) le 13 décembre dernier. Face à cette nette victoire, on se souviendra que le gouvernement a eu un flottement et a mis beaucoup de temps avant de réagir, le Premier Ministre appelant tous les présidents nouvellement élus sauf Gilles Simeoni. Depuis, lʼappel a eu lieu et on assure quʼil fut serein, Manuel Valls reprenant lʼidée du nouveau président du conseil exécutif corse dʼouvrir un « dialogue serein et constructif » entre la Corse et lʼEtat.
Cette position du Premier Ministre tranche nettement avec celles dʼautres acteurs politiques en France. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État aux Relations avec le Parlement, a déclaré après cette victoire autonomiste que « la loi sera la même pour tous, y compris en Corse ». À ce propos, le porte-parole de lʼUDB, Nil Caoussin a rappelé que « les Corses ont voté en majorité, en conformité avec la loi électorale française, pour une liste faisant de l’autonomie une revendication centrale. Rappelons ici que l’autonomie signifie notamment un pouvoir législatif. En refusant le droit pour le peuple corse de partager le pouvoir législatif avec l’État, Jean-Marie Le Guen s’oppose donc au verdict des urnes. Au nom d’un idéal confondant égalité avec l’uniformité, il fait passer une certaine idéologie jacobine avant la démocratie ».
Plus savoureux encore, la polémique qui a suivi le discours en langue corse de Jean-Guy Talamoni, président de lʼAssemblée corse. On passera rapidement sur les commentaires désobligeants sur twitter taclés par lʼintéressé qui conseille à « ceux qui nous reprochent de parler notre langue (…) dʼapprendre à écrire la leur ». Il convient, en revanche, de souligner la réémergence dʼun front nationaliste français faisant fi des étiquettes. De Jean-Pierre Chevènement à Alain Juppé, les nationalistes (français) se sont réveillés et ont poussé des cris dʼorfraie face à cette entorse au texte Saint. En guise dʼexemple, Florian Philippot (FN) estime que lʼutilisation du corse à lʼAssemblée corse constitue un « recul de la République, parce que LA langue de la République, cʼest le français. Cʼest même écrit dans notre Constitution ». Ainsi donc, à lʼinstar de certaines personnes âgées prenant pour argent comptant ce qui est écrit dans la presse, M. Philippot justifie lʼinjustifiable (la domination dʼune langue sur les autres) par un texte constitutionnel… écrit par des nationalistes français ! De son côté, Henri Guaino (LR) estime que « la Corse, cʼest la France, il nʼy a pas de peuple corse, de peuple provençal, de peuple breton, de peuple auvergnat, il y a le peuple français. La France est Une et indivisible ». M. Guaino entend apprendre à aux gens leur identité, ni plus, ni moins. Au nom de quel droit (divin) ? Si combat (idéologique) il doit y avoir, cʼest bien sur la distinction entre « nationalité » et « citoyenneté » car de ce point de vue, lʼÉtat-nation a un vrai problème de sémantique.
Cʼest donc avec intérêt que Le Peuple breton suivra ce bras de fer entre la Corse et lʼÉtat. Lors de la réforme territoriale et malgré une « contribution au débat sur la décentralisation » intéressante initiée par le groupe UDB, le Conseil régional avait échoué à faire entendre la voix de la Bretagne. Gageons que, forts du vote populaire, les nationalistes corses sauront gagner des avancées pour leur île… et pour nous !