Le bipartisme à terre dans lʼarène politique ibère

Podemos

Le paysage politique européen connaît un profond bouleversement avec des pays (Pologne, Finlande, France, Hongrie…) qui voient les extrêmes droites populistes dangereusement progresser et dʼautres moins nombreux (Grèce, Écosse…) qui aspirent à un véritable renouvellement démocratique. LʼEspagne appartient à cette seconde catégorie comme viennent de le démontrer les résultats aux élections générales qui se déroulaient hier.

Le Parti Populaire arrive en tête des élections générales espagnoles et pourtant il semble bien avoir perdu. Il paraît en effet difficile quʼil parvienne à un accord politique susceptible de lui permettre dʼatteindre le seuil de la majorité absolue au Parlement. Mariano Rajoy (Premier ministre sortant) et les siens pourraient se consoler en se disant quʼen deuxième ressort, une majorité simple leur permettrait de renouveler leur bail gouvernemental.

Le hic est quʼentre-temps le PSOE (parti socialiste espagnol), également mal en point à la sortie des urnes, aboutisse à une alliance très large de la gauche, dʼabord avec PODEMOS, le mouvement politique en vogue dans cette partie des Pyrénées, mais aussi et nécessairement plus largement avec la somme de la représentation des partis autonomistes, catalans et basques notamment.

Dʼun point de vue arithmétique, la gauche semble en effet mieux placée pour obtenir les 176 sièges qui offrent à un gouvernement une majorité absolue. Pour autant, si lʼaddition des voix est plus favorable à la gauche quʼà la droite, rien ne dit que politiquement un accord puisse être trouvé. Pour y arriver, le PSOE devra payer très cher, que ce soit PODEMOS dont on peut se douter quʼil ne sacrifiera pas sa belle dynamique sur lʼautel dʼune participation controversée, ou que ce soit les autonomistes catalans qui ont un contentieux à régler avec le pouvoir central madrilène.

Bien quʼil soit le 1er parti de la gauche, le PSOE nʼa en fait pas la main. PODEMOS par contre oui. Si alliance il doit y avoir à gauche pour gouverner, elle se se construira autour de lʼélément dynamique de ces élections générales. Elle se fera aussi pour partie autour de la question catalane et plus largement sur une révision constitutionnelle qui valorise la montée en puissance des autonomies en Espagne.

En Catalogne, les indépendantistes restent en vue lors de ces élections générales mais on observera que PODEMOS qui dirige avec Ada Colau la ville monde de Barcelone, y obtient dʼexcellents scores. La question catalane nʼest pas uniquement territoriale, elle est aussi démocratique. La population réclame un pouvoir de décision plus ample. Cʼest pour cela aussi que le bipartisme espagnol, hautain et méprisant, sombre avec la crise économique et sociale. Il est en profonde rupture avec la base citoyenne qui demande une plus grande émancipation dans la résolution de la crise économique.

On remarquera que contrairement à la France le déclin du bipartisme espagnol débouche sur un quatuor politique (PP, PSOE, PODEMOS, Cʼs) à dominante progressiste : point dʼalter égo du Front national à lʼhorizon ibère. Cela fait une différence de taille avec le mouton à trois pattes sorti de nos urnes lors des dernières régionales, ceci dans lʼenclos idéologique de lʼextrême droite.

Lʼaspiration démocratique espagnole est extraordinaire. Dans la crise institutionnelle qui sʼannonce au lendemain de ces élections générales avec les difficultés réelles qui vont poindre pour établir un gouvernement stable, il y a un espoir qui naît pour lʼensemble des nations et des citoyens qui constituent lʼespace espagnol.

Dire que la clé de la sortie de crise est peut-être catalane nʼest pas une vue de lʼesprit. PODEMOS, bien quʼhostile à une indépendance, sʼest toujours prononcé en faveur de la tenue dʼun référendum. En tout cas, si accord il doit y avoir à gauche avec un PSOE qui apparaît de plus en plus comme une formation politique du passé, il y a fort à parier (ou à espérer dʼailleurs) quʼil se fasse sur la question démocratique et constitutionnelle, sur celle très large de lʼautonomie. La réponse ne serait tarder.

> Jean Roudaut

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