
Marc Le Fur, tête de liste de la droite aux élections régionales en Bretagne administrative, ne rate pas une occasion de rappeler qu’il a fait « le choix de la Bretagne ». Langue, réunification, équilibre territorial, groupuscules divers de l’emsav raccrochés aux listes, tout y passe, jusqu’aux hermines colorées sur les photos des candidats dans les documents de propagande envoyés aux électeurs par la Poste. On pouvait se poser quelques questions sur la valeur des engagements d’un candidat dont la famille politique, au pouvoir pendant 10 ans avant l’élection de François Hollande, a fait preuve d’un nationalisme et d’un jacobinisme tout à fait classique.
Cette fois, c’est juré, tout va changer ! On entend même que tous les candidats présents sur les listes auraient signé un engagement à défendre la réunification de la Bretagne. Une petite question tout de même : le directeur de campagne de Marc Le Fur et numéro 3 de la liste de droite en Ille-et-Vilaine, Bertrand Plouvier, est-il au courant ?
On chercherait en vain toute trace d’une Bretagne à 5 départements dans le vœu qu’il a présenté le 23 novembre au Conseil municipal de Rennes, au nom du groupe de droite qu’il préside (et dont est aussi membre Yves Pelle, président du Parti breton). Un vœu de soutien à la construction de l’aéroport de Notre-Dame des Landes, présenté comme « un projet majeur et essentiel pour le rayonnement de Rennes et de sa métropole », qui semble bien éloigné de la Bretagne prétendument défendue par la droite bretonne. Sur une pleine page, le mot Bretagne n’apparaît pas une fois, étrange pour un projet d’aéroport à vocation régionale. Le Grand Ouest, en revanche, apparaît bien comme le territoire de référence :
– « Le grand Ouest a besoin d’une desserte aérienne de qualité pour relier notre métropole à ses voisines européennes et mondiales » ;
– « L’accessibilité pour Rennes et sa métropole, plus généralement l’Ouest, est une condition essentielle pour son développement économique et ses emplois. »
– « Le Conseil Municipal de Rennes doit réaffirmer son soutien au projet de construction de l’aéroport Grand Ouest dans la zone d’aménagement différée de Notre-Dame-des-Landes et se prononcer pour la reprise du chantier de construction sans délai. »
– « L’enjeu de l’accessibilité pour l’Ouest et Rennes est une condition primordiale pour le développement du tissu économique de notre ville et de sa métropole et le maintien et la création de nombreux emplois. »
Le directeur de campagne de Marc Le Fur ne rate donc pas une occasion de placer les mots Ouest et Grand Ouest, sans mentionner une seule fois la Bretagne. Des métropoles attractives dans un vague territoire identifié par son statut de périphérie de la région parisienne : voilà une vision bien éloignée des proclamations de bretonnité du leader régional des « Républicains ». Vu le rôle important de Bertrand Plouvier dans la campagne, on peut se demander ce qu’il adviendra des promesses de défense de la Bretagne à 5 et de l’égalité entre les territoires si la liste droite l’emportait en région administrative Bretagne.
Pour Ana Sohier, conseillère municipale UDB, il faut noter d’emblée que « La disparition de la Bretagne dans ce texte étonne quand on sait que la tête de liste de la droite aux élections régionales prétend se faire le héraut d’une Bretagne réunifiée et plus autonome. Sait-il que les membres de son parti la font disparaître des radars dès lors que le débat sort des questions culturelles et linguistiques ? Et qu’en pensent les élus membres du groupe de droite dans ce conseil municipal, ceux qui militent depuis des années pour la reconnaissance de la personnalité bretonne ? En tout cas, notre projet de territoire ne consiste pas en deux métropoles surnageant dans un ensemble flou, tellement dénué d’identité qu’on ne peut le désigner que par rapport aux points cardinaux. »