Au pays des trois cents fromages, il était logique qu’un candidat à la présidence de la République évoque un jour le droit à la différence. Ce fut, on le sait, le cas de François Mitterrand à Lorient, le 14 mars 1981. Et on sait aussi ce qu’il est advenu de ce droit à la différence.
À l’initiative de ce même François Mitterrand, la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 appauvrissait la Constitution par une précision dont on s’était jusque là passée : « La langue de la République est le français ». On a compris plus tard qu’il s’agissait de faire obstacle à la reconnaissance des langues régionales de France au niveau européen, et non à la progression de l’anglo-américain. À chacun ses adversaires prioritaires…
Ainsi pouvait impunément se poursuivre, à l’abri du « droit » jacobin « l’œuvre lente et implacable qui, par la culture piétinée, humiliée, interdite, conduisait à la négation de l’identité d’un peuple [ car] c’était blesser un peuple au plus profond de lui-même que de l’atteindre dans sa langue et sa culture » (François Mitterrand, 14 mars 1981, toujours à Lorient).
La culture ? N’est-ce pas l’image qu’un peuple se fait de lui-même et communique aux autres ? À notre époque, cela passe naturellement – et entre autres modalités – par l’information et les médias. Bien entendu, cette image comporte celle du territoire où vit ce peuple, qui l’investit quotidiennement de sa propre identité. Le cadre dans lequel l’actualité est collectée et répercutée vers le peuple et vers l’extérieur est donc lui-même un élément de cette culture car il entre pleinement dans la définition de l’image qu’il produit de lui-même pour lui-même et pour les autres.
On comprend ainsi tout l’intérêt pour le pouvoir jacobin de substituer ses propres cadres d’information à ceux dans lesquels le peuple s’est constitué et se reconnaît. Les cahiers des charges des médias que ce pouvoir contrôle directement y suffisent pour les médias publics. Pour les autres, les incitations financières sont un palliatif efficace : publicités rédactionnelles payées, partenariats, publicités rémunérées des marchés publics des régions officielles. L’argent est à l’évidence un auxiliaire efficace de l’aliénation, aujourd’hui comme hier. Et l’Histoire, c’est aussi clair, ne sera pas tendre avec nos média locaux.
Des citoyens auxquels on ne reconnaît même pas le droit de choisir leur région ne sont pas près d’être reconnus capables de décider de son avenir et du leur. Laisser passer ça, c’est renoncer à être citoyens !