Breizh-Info, décryptage d’un organe de presse de la fachosphère.

fachosphère Breizh-info

Textes présentés de façon journalistique, interviews, données chiffrées, le site dʼactualité Breizh-Info est pourtant un organe de la fachosphère dont nombre dʼinternautes partagent les articles sans pour autant en connaître son fond idéologique. Décryptage par Le Peuple breton.

« Breizh info » se présente comme un média de « ré-information », terme très utilisé dans la fachosphère, pour diffuser des informations dont ne parleraient pas ce quʼon appelle dans le milieu « les médias dominants ». En guise de ré-information, les sites dʼextrême-droite entendent davantage parler de lʼislam, de lʼimmigration et de faits-divers sordides mettant ainsi en scène une France en danger que dʼapporter une information qui serait passée sous silence. De nombreux sites constituent ce réseau. Breizh-Info en est le pendant à lʼéchelle de la Bretagne (Loire-Atlantique incluse). Ici, pas de photo truquées pour créer de fausses rumeurs (les Hoax) ou encore de phrases trop choc. La présentation rappelle celle de lʼAFP et le style est calqué sur celui de la presse professionnelle. Les idées, quant à elles, sont clairement dʼextrême-droite.

Lʼéquipe de rédaction

Le passé des membres de lʼéquipe de rédaction de Breizh-Info montre de façon claire lʼorientation politique de ce média. Lʼune des pierres angulaires de ce site est Yann Vallerie, ancien président de Jeune Bretagne, groupuscule dʼextrême-droite lié au Bloc Identitaire jusquʼen 2012 et disparu en 2014. Également ancien membre de lʼextrême-droite indépendantiste bretonne, Adsav (qui sʼest illustrée tristement à Pontivy samedi dernier), Yann Vallerie a joué un rôle important au sein de Jeune Bretagne. Il sera candidat aux élections cantonales de 2008 avec pour slogan « Maîtres chez nous ». Cʼest au nom de ce mouvement quʼil prend la parole lors dʼun rassemblement de lʼEnglish Defense League, un groupe anglais dʼextrême-droite anti-islam, criant « nous ne voulons pas la charia pour nos femmes et nos enfants ».

Également contributeur de Breizh-Info, Louis-Benoît Greffe, passé par divers sites dʼinformations bénévoles, a été condamné à trois mois de prison avec sursis en 2014 pour lʼagression dʼun prêtre de 84 ans, à Orléans. Enfin, la liste des membres de lʼéquipe de rédaction mentionne également Thierry Monvoisin, « candidat Front National aux élections sénatoriales de 1992 et aux législatives en 1997 à Touvois » selon Télénantes.

« Décrire les faits, rien que les faits » ?

Faire de la politique et se présenter comme « journalistes indépendant » nʼest pas nécéssairement contradictoire pour qui veut faire de la presse dʼopinion. En revanche, on ne peut être journaliste sans respecter une certaine déontologie. Dans la présentation du site, Breizh-Info présente dʼailleurs ses valeurs en déclarant : « notre volonté : décrire les faits, rien que les faits, et les mettre en perspective les uns avec les autres ». Pourtant, la réalité semble bien différente.

En janvier 2014, le journal Le Petit Bleu titre « Vraie ou fausse polémique au lycée Ker Siam ? ». À lʼorigine de la polémique, un article de Breizh-Info qui prétend que lʼétablissement de Dinan « veut obliger ses élèves à visiter la Grande Mosquée de Paris » et que « de nombreux parents se plaignent dʼune telle visite ». Contactée par Le Petit Bleu, la direction de lʼétablissement dément toute polémique : elle nʼa reçu « aucune contestation concernant cette visite de la Mosquée de Paris ». Rebelote en janvier 2015, mais cette fois-ci avec, à la clé, un dépôt de plainte contre Breizh-Info. Le site avait alors fait témoigner un enseignant (de façon anonyme) du collège Norange qui disait que lors de lʼhommage à Charlie Hebdo, lʼétablissement était « au bord de lʼémeute, chaque mot pouvant déclencher une guerre ». La direction de lʼétablissement, ne partageant visiblement pas la tonalité de cet article déposa plainte contre Breizh-Info. Télénantes écrit alors que « Yann Vallerie admet que sa rédaction nʼa pas tenté de recueillir dʼautres témoignages avant la publication de son article sur le collège de Saint-Nazaire. La multiplicité des sources étant pourtant une règle indissociable du travail de journaliste ». Plus récemment, alors que la commune de Sérent répondait à une sollicitation dʼune association quant à lʼaccueil de réfugiés dans lʼancien EPHAD de la commune, Breizh Info fait les choux gras de cet événement et, selon Libération « affirme que le projet […] sera financé par la Mairie ». Le maire dément dans le quotidien national, affirmant « Il est […] clair que la commune ne participera pas financement du projet ». Rien que les faits ? Il est permit dʼen douter.

Insécurité, Islam, immigration comme fond de commerce


Le Peuple breton
a observé les thèmes et la façon dont ils sont traités par Breizh-Info sur une période dʼun an (entre le 28 octobre 2014 et le 28 octobre 2015). Sur les 392 articles publiés en un an, 70 dʼentre eux traitent de sujets variés ne pouvant être regroupés par thèmes dans des catégories réunissant au moins trois articles. Nous avons donc choisi de les ranger sous lʼappellation « divers ». Quelques exemples de ces articles : droit des animaux (un article), astronomie (un article), autofinancement de Breizh-Info (deux articles). Ce qui marque, cʼest surtout les trois « I » que sont lʼinsécurité, lʼimmigration et lʼislam.

fachosphère graphique-breizh-info-sujets-extrême-droite-peuple-breton« Communautarisation » des faits-divers

Lʼinsécurité est le sujet le plus traité, avec une catégorie spécifique aux faits-divers les plus sordides (« la Bretagne orange mécanique »). Cette section a pour but, selon Breizh-Info, de « traiter tous les sujets, y compris ceux qui dérangent ou sont relégués au second plan alors quʼils sont fondamentaux ». En réalité, la plupart des faits-divers relatés par Breizh-Info ne sont ni cachés, ni mis au second plan par la presse régionale et locale. Ce qui diverge, cʼest que celle-ci ne précise que rarement lʼorigine géographique ou ethnique des auteurs de délits et de crimes, à lʼinverse de Breizh-Info. Ainsi, sur lʼannée observée, 36 % des articles, soit 45 sur 125, citent lʼorigine des accusés (Roms, Gens du Voyage, Algériens, Marocains, avec des formulations comme « de type Nord-Africain », « de type africain » etc…). Il existe donc une certaine volonté de Breizh-Info de « communautariser » les crimes et délits ce qui nʼa pas réellement dʼintérêt si ce nʼest de contribuer à fracturer la société et, éventuellement, de tenter faire un lien périlleux entre immigration et délinquance. Dʼune façon plus générale, la mise en avant revendiquée des faits-divers contribue à créer un sentiment dʼinsécurité et une volonté de durcissement de la justice.

La phobie dʼun « grand remplacement »

Lʼimmigration est le thème de prédilection de Breizh-Info. Si nous avons comptabilisé les articles traitant spécifiquement de ce thème dans une même catégorie, cʼest en effet un sujet transversal à toutes sortes dʼactualités diffusées par ce site. Cʼest dʼailleurs probablement le sujet qui est le plus représentatif de lʼancrage de Breizh-Info à lʼextrême-droite. Le média diffuse des interviews, des tribunes, des conférences de personnes opposées à lʼimmigration, couvre régulièrement les manifestations xénophobes et nʼhésite pas à faire le buzz lors de lʼaccueil de migrants comme ce fut le cas à Sérent.

Le site tente même de contourner lʼinterdiction des statistiques ethniques en se risquant à estimer la population non-blanche par lʼobservation du nombre de vaccination de la drépanocytose, une maladie génétique qui touche particulièrement les populations africaines, antillaises, indiennes, moyen-orientales et méditerranéennes. Des statistiques dont on peut se demander à quoi elles pourraient bien pouvoir servir et une méthode pour le moins douteuse comme lʼa expliqué le quotidien Le Monde. Lʼutilité de telles données est peut-être à chercher du côté de la théorie du grand remplacement à laquelle Breizh-Info semble croire dur comme fer. Ce concept, très présent dans les milieux dʼextrême droite, prétend que les populations immigrées vont submerger et remplacer les « autochtones » européens comme le dit un article du site intitulé « Invasion migratoire : le chaos à venir par les ventres et la santé ». Il y est affirmé que les populations immigrées vont « se reproduire ici, et elles prendront la place des autochtones, par milliers, puis par millions » avant de prophétiser : « on devrait donc assister très rapidement à une tiers-mondialisation de lʼEurope et au retour des épidémies mortelles ». Rien que ça !

Cette rhétorique, au-delà de sa xénophobie évidente, va en contradiction avec la réalité, les flux migratoires vers lʼEurope étant minoritaires car les déplacements de population se font principalement entre les pays du Tiers-Monde.

La confusion entre islam et islamisme

Lʼislam est également un sujet récurent sur Breizh-Info qui ne met pas en avant les millions de musulmans qui vivent en paix en France, mais appuie régulièrement sur une minorité de fanatiques. Le site se fait également le relais des manifestations islamophobes contre la construction de mosquées dans différentes villes de Bretagne et donne la parole à des auteurs dʼextrême-droite bien peu bienveillants envers cette religion en particulier. Les présupposés des auteurs interviewés font que « islam » et « islamisme » sont présentés comme liés. Un article déclare dʼailleurs que « le petit monde de la bien-pensance (…) nie, contre toute évidence la parenté réelle qui lie islam et islamisme ». Breizh-Info oublie, bien-sûr de dire que lʼislam est né au VIIe siècle et lʼislamisme… au XIXe. Une parenté tellement évidente quʼelle se serait révélée avec plus dʼun millénaire de retard.

Breizh-Info sʼinscrit donc clairement à lʼextrême-droite, tant par ses contributeurs que par sa lecture des faits de société. Sa présentation, son style et ses informations qui ne tombent pas dans les délires que peuvent manifester dʼautres sites dits « de ré-information » en font un média qui brouille les pistes lorsque lʼon ne lit que certains articles pris isolément. Le lecteur attentif et critique ne se trompera pourtant pas sur lʼidéologie de Breizh-Info. Cet article entend dʼailleurs lʼy aider…

> Ar Skridaozerezh / La Rédaction

Rédaction. Le Peuple breton est un site d'information en ligne et un magazine d'actualité mensuel – en français et en breton – imprimé à 4 000 exemplaires chaque mois. Ils sont tous deux édités par Les Presses populaires de Bretagne, maison d'édition associative basée à Saint-Brieuc. L'équipe de la rédaction, entièrement bénévole, est animée par une centaine de rédacteurs réguliers dont des journalistes professionnels.