
La liste « Notre chance lʼindépendance », soutenue par le Parti breton, souhaite voir la création dʼun État breton souverain. Dite « ni droite ni gauche », le chef de file de cette candidature, Bertrand Déléon semble bien proche de la rhétorique xénophobe qui fleurit ces derniers temps.
« Même réfugiés [fuyant la guerre], je nʼaccueillerai pas de migrants », déclare Bertrand Deléon dans une interview à Breizh-Info, site classé à lʼextrême droite et tenu par dʼanciens membres de groupuscules identitaires et du FN. Contrairement aux propos et au site sur lequel ils sont tenus, le candidat se défend sur cette position : « cela ne fait pas de moi un égoïste, un raciste, une personne intolérante ». Et le candidat aux élections régionales de développer ses arguments où lʼon retrouvera toute la panoplie de la rhétorique dʼextrême-droite.
M. Déléon sʼinterroge : les réfugiés « ont-ils des affinités avec mon pays, la Bretagne ? » On peut se demander comment il serait possible de répondre à cette question. Les affinités se créent, elles ne se décrètent pas. Après les réfugiés, M. Déléon demandera-t-il à toutes les personnes présumées de ne pas avoir dʼaffinités avec la Bretagne de rester chez eux ? Il ne viendrait ainsi en Bretagne que les Bretons. « Défendent-ils une cause commune comme lʼont été (sic) les réfugiés basques ? » poursuit le candidat. Une question qui nʼa, encore une fois, aucun sens puisque les réfugiés viennent de dizaines de pays séparés par des milliers de kilomètres. Dans ces conditions, comment pourraient-ils défendre une cause commune ? Quant à comparer les réfugiés basques et des personnes qui fuient notamment lʼÉtat islamique, il fallait oser.
Reprenant un argument du Front national, la tête de liste de « Notre chance lʼindépendance » pose le fameux argument de lʼextrême-droite : « Leurs frères des pays pétroliers, les refusent. Il auraient la place et les finances ». Il est évident quʼils auraient la place, les finances, mais aussi la dictature et une renommée internationale de mise en esclavage des migrants après leur avoir retiré leurs passeports. Il semble donc évident que des réfugiés ne souhaitent en aucun cas troquer une dictature contre une autre. Certes, les monarchies du Golfe nʼaccueillent pas les migrants, mais ce sont surtout les migrants qui ne veulent pas aller dans cette partie du monde. Ils ne sont pas fous, ils préfèrent la démocratie.
L’argument suivant est particulièrement surprenant et montre clairement que lʼextrême-droite se situe du côté des puissants et nʼa rien à apporter aux peuples. Ainsi, Bertrand Deléon déclare « Je pense à ces richesses détenues par un petit nombre et que nous ne parvenons pas à partager ; je pense à nos restes que nous partageons et je fais une opération mathématique : nous ne nous partagerons pas ce que nous nʼaurons plus ». Bien quʼincompréhensibles, on comprend aisément les propos du candidat, qui mettent non seulement à mal ce quʼil disait plus haut à savoir quʼil nʼest pas un « égoïste » mais qui, de surcroît, se trompent de cible : le problème vient en effet de ceux qui refusent de partager les richesses, pas des migrants qui nʼen ont pas/plus. Battons nous pour les miettes, en voilà un drôle de message !
Encore un nouvel argument issu de lʼextrême-droite : les immigrés vont prendre nos emplois. « Allons-nous laisser des employeurs utiliser cette manne de travailleurs exploitables nous pousser à notre tour à faire nos valises », sʼinquiète Bertrand Deléon qui nʼa visiblement pas compris que la main d’œuvre corvéable à merci est déjà exploitée. Les grands patrons nʼont pas attendu les immigrés, ils ont implanté leurs usines directement dans leurs pays, cʼest le principe même de la délocalisation. Là encore, M. Deléon se trompe de cible : il pointe non pas les personnes qui exploitent ou pourraient le faire, mais ceux qui en sont ou seront victimes. Le monde à lʼenvers.
La fin de lʼinterview révèle le bouquet final : « Allons-nous aller jusquʼà la guerre civile quand nous serons trop nombreux à avoir faim ? », « pouvons-nous défendre nos identités […] ? », « sʼopposer à un transfert massif de population ». Bref, à défaut du point godwin, cʼest celui du « grand remplacement » qui est atteint. Cette théorie développée par lʼextrême droite craint de voir les sociétés occidentales submergées par les immigrés. Face aux fantasmes, les chiffres : quelques dizaines de milliers de réfugiés arrivées cette année sur un continent de centaines de millions dʼhabitants.
La tête de liste de « Notre chance lʼindépendance » aura donc essoré tous les arguments de lʼextrême droite, des plus courants aux plus extravagants. « Oui je pleure cette misère, je suis bouleversé par ces atrocités, les actes que lʼon peut entendre, voir et lire et lʼexode qui en découle » conclut le candidat à la fin de son discours xénophobe. Sans doute sincère, on mesure le cynisme de Bertrand Deléon qui pleure la misère, mais refuse dʼy faire face.