Lorsquʼon parle des circuits-courts, ou dʼéconomie locale, bien souvent viennent à lʼesprit les denrées comestibles, mais il est rarement sujet du textile, dont la provenance importe souvent moins que le prix. Pourtant, certaines entreprises ont misé sur un savoir-faire, à contre-courant de la tendance générale et du processus de délocalisation. La Bretagne est réputée pour ses tenues traditionnelles : chupenn, coiffes et autres tenues de fêtes parées de broderie. Mais quʼen est-il aujourdʼhui de lʼhabillement du quotidien ? Nous avons interrogé les équipes de deux entreprises textiles implantées en Bretagne, et qui utilisent lʼidentité bretonne dans leur production textile : A lʼAise Breizh installée à Morlaix et Armor-Lux à Quimper, afin de mieux comprendre comment ces entreprises oeuvrent avec lʼidentité bretonne et des savoirs-faire locaux, aujourdʼhui mondialisés.
Les deux marques bretonnes ont une forte présence territoriale en Bretagne mais pas seulement : A lʼAise Breizh, jeune entreprise créée en 1996, ouvrira sa 20ème boutique en 2016 et Armorlux a ouvert 60 boutiques, dans toute la France, depuis sa création en 1938.
La filière textile a toujours fait partie des activités au cœur de la mondialisation. Les toiles de lin fabriquées en Bretagne étaient réputées et exportées dans le monde entier. Aujourdʼhui, cʼest lʼinverse : il nʼy a jamais eu en Bretagne de production de coton ou dʼusine de production de matière synthétique, donc bien évidemment, la matière première du textile moderne est importée.
Certains métiers liés au textile se sont raréfiés : les teinturiers et les tisseurs notamment. Chez Armor-Lux les filés de coton écrus ou teints sont achetés chez des filateurs extérieurs car ce métier nʼexiste presque plus en Bretagne. Concernant la confection, il y différents choix qui sont opérés par chacune des entreprises, car comme nous lʼavons vu, il est difficile dʼéchapper à la mondialisation.
A lʼAise Breizh travaille avec les même usines depuis les débuts, comme témoigne Erwann Créacʼh, responsable de lʼentreprise : « Nous fabriquons nos produits dans différents pays suivant la spécificité technique de chaque produit (France, Portugal, Maurice), nous essayons, dans la mesure du possible, de privilégier les circuits courts. Cʼest dans cette optique que nous avons récemment intégré à notre entreprise un atelier de tissage et confection [du linge de maison] basé à proximité de Cholet. Notre atelier de broderie – sérigraphie se trouve au siège dʼA lʼAise Breizh à Morlaix ».
Lʼentreprise Armor-Lux, quant à elle, implantée à Quimper depuis 1938 produit localement. Elle possède deux usines de fabrication à Quimper et une à Troyes, spécialisée dans la maille rectiligne et la fabrication de pulls de qualité. Les différents étapes de la confection (tricotage, teinture, coupe) y sont réalisées. Mais le prêt à porter représente seulement 60 % de leur chiffre dʼaffaire, car Armor-Lux confectionne également lʼhabillement de grands donneurs dʼordre publics et privés : la SNCF, La Poste, Mairie de Paris, Carrefour, Leroy Merlin etc.
Lʼidentité bretonne existe en filigrane de ces productions : cʼest la marque de fabrique pour A lʼAise Breizh et son logo en forme de bigoudène, les broderies et sérigraphies et vêtements. Pour Armor-lux, cʼest la transmission dʼun savoir-faire de la région de Quimper lié à la transformation du filé de coton qui importe plus.
Aujourdʼhui, sʼintéresser à lʼidentité bretonne, ce nʼest pas seulement se tourner vers le passé, cʼest aussi regarder les initiatives du présent. La majorité des produits textiles vendus en France et en Bretagne le sont à des prix qui sont dévalués par le processus de délocalisation des productions, ou surévalués par le processus de profit des marques multinationale.
Pour changer de regard sur notre quotidien, pourquoi ne pas considérer les vêtements, non comme un produit fini mais plutôt au regard des matériaux de fabrication et des savoir-faire qui sont en jeu ?