Ouibus répondra à la demande, mais quid des besoins ?

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Depuis que la loi Macron a été adoptée par le Parlement en juillet dernier, la libéralisation des liaisons de bus inter-régionales qui permet aux compagnies de ne plus être limitées par le cabotage est effective.

Dans un communiqué du 2 octobre 2015 intitulé « Ouibus développe son réseau en Bretagne », la toute nouvelle filiale « car » de la SNCF explique donc que « la compagnie desservira Rennes à partir du 5 octobre, puis son réseau s’étendra progressivement à Lorient,Quimper, Brest et Saint-Brieuc dans les prochains mois ». Associé au groupe breton Salaün, les billets Ouibus seront proposés à partir de 15 € depuis Rennes et Saint-Brieuc et 19 € depuis Brest, Lorient et Quimper. Mais jusqu’où ? Jusqu’à Paris !

On arrive donc à une situation paradoxale où la SNCF créé les outils qui vont concurrencer ses propres trains. Paradoxe ? Pas tant que cela si on raisonne du point de vue capitaliste : les lignes de bus sont destinées à concurrencer le covoiturage qui grignote la marge de la SNCF. Si le fonctionnement des cars est optimal (et vu les prix, il le sera), on risque de réduire le nombre de trains ou les cadencements. La clientèle visée par les trains sera aisée, celle qui ne compte pas passer 6 ou 7 heures pour se rendre à Paris. Un transport à plusieurs vitesses, voilà ce que créé la loi Macron.

Vous imaginiez que l’ouverture à la concurrence des bus allait boucher des dents creuses ? Qu’elle allait répondre à un besoin ? Erreur : elle répond à une demande. Et entre le besoin et la demande, il y a l’argent. Loin de créer des traversales en Bretagne, les compagnies de bus vont au contraire concurrencer les lignes rentables à savoir les lignes déjà exploitées par la SNCF : à destination de Paris ! Et voilà comment le libéralisme économique continue de perpétrer la centralisation…

L’autre solution aurait été de démocratiser le train sur les distances moyennes (vers Paris, mais aussi entre diverses villes sans passer par Paris), de revoir ses tarifs afin de le rendre accessible à tous. Mais la démocratisation n’est définitivement pas dans le programme du gouvernement.

> Gael Briand

Journaliste. Géographe de formation, Gael Briand en est venu au journalisme par goût de l'écriture et du débat. Il est rédacteur en chef du magazine Le Peuple breton depuis 2010. Il a également écrit « Bretagne-France, une relation coloniale » (éditions Ijin, 2015) et coordonné l'ouvrage « Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles » (Skol Vreizh, 2015). [Lire ses articles]