Quel système laitier pour la Bretagne ?

vache

Quel est le rapport entre la crise laitière en Bretagne et le prix du lait au Québec ? Un chiffre a retenu mon attention : les producteurs de lait québécois sont confrontés à une baisse du prix de vente du litre de lait qui sʼétablit actuellement à 0,70 $ le litre soit 0,47 €. Cette crise pourrait donc sembler bien minime du point de vue français. En France, le prix du litre est de 0,30 € pour un coût de production très proche. Cʼest dire si les aides européennes sont vitales ! La différence de prix sʼexplique par le mode de fonctionnement des deux marchés : lʼun est raisonné et au service des agriculteurs, lʼautre nʼa pour dʼautre but que dʼassurer le prix le plus bas possible.

En Bretagne, les producteurs de lait revendent soit à des « coopératives » (le mot est largement galvaudé dans ce cas-là) comme Sodiaal, soit à des privés comme Lactalis. Le prix est déterminé par les laitiers en fonction du marché (européen et surtout allemand). Le prix est établi selon le code rural chaque mois pour le mois suivant. Dans cette appréciation du prix, il y a normalement une intervention des représentants des producteurs de lait. Mais le fonctionnement même des contrats et de la collecte de lait fait passer toute envie de se rebeller contre un prix que lʼon trouve trop bas ! En effet, contrairement au Québec où les producteurs de lait sont maître de son conditionnement (tank à lait de grande capacité et transport), les agriculteurs bretons sont, eux, dépendants de leurs « clients » qui possèdent ces outils et qui peuvent, par conséquent, rapidement mettre en difficulté un indésirable dont le rêve dʼautonomie serait trop ambitieux. Cʼest un peu comme si pour faire les courses il fallait louer le caddy sous contrat à longue durée (5 ans) : vos petits bras sont bien beaux mais vous nʼavez pas le choix dʼêtre fidèle.

Pour corser le tout, lors de la détermination des prix, cʼest un peu la course à l’échalote entre les industriels du lait. Face à la grande production, cʼest à qui réussira à tirer le plus les prix vers le bas sans casser la corde. Lʼagriculteur assumera. Avant, les quotas laitiers donnaient au moins un cadre aux agriculteurs. Avec leur fin, ce système les désavantage encore plus. À croire quʼils sont quantité négligeable alors que, sans eux, point de lait.

Au Québec, les producteurs de lait se retrouvent tous au sein des producteurs de lait du Québec qui négocient avec les transformateurs le prix du lait en fonction de sa qualité, du marché international, mais surtout en fonction des coûts de production. Ces producteurs sont également propriétaires des moyens de conditionnement du lait et responsables de son transport. Le chantage au collectage est donc impossible. Ce système peut se comparer à un quota amélioré où les producteurs décident eux même des conditions. Les québécois peuvent ainsi varier leur production en fonction des perspectives du marché ou des négociations avec les transformateurs. Ce système a également le bénéfice de faire vivre de son travail sans dépendre de lʼaide gouvernementale.

Ce quʼil faut retenir dans cet exemple québécois, cʼest la nécessité dʼune unité des producteurs. Blâmer les grandes surfaces – même si cʼest justifié – ne répond pas au problème. Faciliter les emprunts pour les agriculteurs comme le propose le gouvernement, cʼest du court terme et ça ne règle pas le problème du prix dʼachat. Non, la réponse vient en premier lieu des producteurs eux-mêmes. Comme la Bretagne a su le prouver dans les années 60, lʼunion des producteurs est la solution. Certains syndicalistes agricoles tentent de convaincre un nombre suffisant de producteurs laitiers à se regrouper et devenir maître de leur travail. Face au chantage des laitiers, il faut quʼils tiennent bon et atteignent la masse critique pour peser. Pour cela, il nous faut les accompagner.

LʼUDB porte depuis longtemps la volonté de « décider » au pays. Derrière ce mot il y a lʼémancipation de chaque personne. Cette émancipation, les agriculteurs en ont bien besoin. Seule lʼunité leur en donnera les clés. Je suis persuadé quʼen Bretagne il peut y avoir la volonté de regrouper lʼensemble des producteurs de lait pour peu quʼon leur en donne les moyens.

> Tangi CHEVAL

Tangi Cheval a deux pays: la Bretagne et le Canada. Il vit à Questembert.