
La France est « une et indivisible ». Les autonomistes le savent et se mobilisent depuis des décennies contre cette maxime complètement archaïque et irrespectueuse de la diversité. Pourtant, cette phrase inscrite dans la Constitution bénéficie dʼun certain nombre de contre-exemples. Bizarrement, outre les statuts dʼoutre-mer qui cachent assez mal la situation post-coloniale de certaines îles dites « françaises » et qui ne le sont quʼadministrativement, tous ces statuts sont bizarrement octroyés à des grandes métropoles, celles qui permettent de rayonner…
Ainsi, la ville de Lyon a obtenu un statut de « métropole » sur mesure. Entendre aujourdʼhui son maire, Gérard Collomb, pleurer que la baisse de dotations dʼÉtat aux collectivités impacte fortement Lyon ne manque pas de culot, ni de mépris pour les petites communes ou les petites agglomérations qui, elles, sont quasiment sous tutelle des services de lʼÉtat du fait de leur manque dʼautonomie. « Les grandes villes portent aujourdʼhui une part importante de la création de richesse de notre pays, mais la valeur qui y est créée bénéficie à tous les territoires. Pour prendre lʼexemple de lʼÎle-de-France, souvent cité par lʼéconomiste Laurent Davezies, sait-on quʼelle produit 31 % du PIB de notre pays mais quʼelle ne capte que 22 % des revenus ? Cela signifie quʼil y a environ 180 millions de transferts vers les autres territoires. Il en va de même pour les grandes villes. Attention, donc, à ne pas scier la branche sur laquelle on est assis. Si on touche à ce qui est aujourdʼhui le cœur du cœur de la croissance française, on risque la panne totale » se justifie Gérard Collomb dans un article du JDD du 20 septembre. Toujours cette même « croissance », toujours ce « Davezies » et toujours cette « théorie du ruissellement » : enrichissez les riches puisquʼils embauchent des pauvres. Tout juste sʼils nʼattendent pas un « merci » en plus ! Complétons en expliquant que ce que cache lʼanalyse de Laurent Davezies, cʼest la part du PIB produite en dehors de Paris, mais statistiquement attribuée aux sièges sociaux qui sʼy trouvent… Bref, contrairement à la démonstration de M. Collomb, la centralisation aspire les richesses et les transferts se font plus vers Paris que depuis Paris ! Il en va de même pour les autres métropoles, dont Lyon.
Un article du Monde dʼaujourdʼhui traite justement du cas « Paris ». On savait déjà que la capitale française disposait de son statut spécial. Anne Hidalgo, maire de Paris, veut aller plus loin et « fusionner la commune et le département de Paris en une seule collectivité, repenser les arrondissements et reconquérir la quasi-totalité des pouvoirs du préfet de police dans la ville ». Si un redécoupage des arrondissements peut sembler intéressant du fait des disparités démographiques et donc démocratiques (puisque chaque arrondissement a sa municipalité), on ne peut sʼempêcher dʼêtre amusé par cette déclaration de la maire de Paris confié au Monde : « à moi de porter une nouvelle étape dans l’histoire de la conquête démocratique de Paris, qui ne fasse plus peur à l’État central ». Mais, Mme Hidalgo, Paris, cʼest la France, pourquoi lʼÉtat aurait-il peur de Paris ? Quʼimporte les entorses à la règle (« la France est une et indivisible »), on pourra créer tous les statuts possibles pour Paris, statuts qui sont refusés à la Bretagne, au Pays basque, à la Catalogne, à lʼOccitanie, lʼAlsace, la Savoie ou la Corse… qui, eux, font réellement peur (la fameuse « menace indépendantiste »).
Pour la maire de Paris, la tutelle étatique est « obsolète ». Cʼest un peu le discours de lʼUDB depuis sa création, en 1964. Ce à quoi le jacobinisme répondait jusquʼà présent que les autonomistes étaient de dangereux libéraux qui souhaitaient sʼattaquer au code du travail. Aujourdʼhui que les libéraux sont à la tête de lʼÉtat et quʼils détricotent méthodiquement ce code, ce sont bien les autonomistes qui sʼélèvent contre eux. Et qui continuent, malgré tout, de revendiquer un statut spécial pour leurs territoires (la réunification de la Bretagne et une Assemblée de Bretagne avec des pouvoirs législatifs spécifiques par exemple) afin justement dʼéviter les dérives libérales faisant quʼune ville décide pour lʼensemble dʼun pays. La centralisation (politique ou économique), quelque soit le niveau où lʼon se place, est néfaste. Elle témoigne dʼune relation de domination toujours actuelle et qui nʼa rien de progressiste. Qui sait si ce message ne finira pas par être compris un jour…