Le siège dʼIfremer pourrait rester à Issy-les-Moulineaux

BREST - TECHNOPOLE 7 JUIN 2005 © B.STICHELBAUT

En décembre 2013, alors que la Bretagne subissait une crise agricole et industrielle, Jean-Marc Ayrault, premier ministre de lʼépoque, avait annoncé le transfert à Brest du siège de lʼIfremer actuellement à Issy-les-Moulineaux, en région parisienne. Cette annonce avait été confirmée par Manuel Valls à son arrivée à Matignon. Mais le transfert se fait toujours attendre.

Et pour cause : des syndicats ont saisi la plus haute juridiction administrative, le Conseil dʼÉtat, pour sʼopposer à ce transfert. Hier, le rapporteur public, Bertrand Dacosta, leur a même donné raison dans son argumentation : « quand une autorité politique a entendu décider d’un transfert alors qu’elle n’en a pas la compétence, la possibilité de recours est ouverte. » (propos rapporté par Ouest-France le 16 septembre 2015). Il appartient au Conseil dʼadministration dʼIfremer de se prononcer le 22 septembre, mais pour les syndicats, lʼaffaire est entendue, « il sʼagit de démanteler un outil scientifique ».

Dans un communiqué daté du 10 septembre, la CGT explique que « Brest est déjà un grand pôle mondial de lʼocéanographie » et quʼ« ifremer est un organisme déjà fortement décentralisé ». Le communiqué rappelle que la plupart des emplois sont hors de la région parisienne et que le coût du transfert emputera la recherche. Il préconise plutôt de faire réparer les navires dʼIfremer en Bretagne et non en Pologne.

Ce conflit résulte malheureusement dʼun problème sémantique. La CGT, manifestement, ne comprend pas le sens du mot « décentralisation » quʼelle confond systématiquement avec « déconcentration ». Ifremer étant un EPIC, il dépend de lʼÉtat et ne peut donc pas être « décentralisé ». Quʼil soit à Brest ou à Issy-les-Moulineaux ne changera pas ce constat sauf à dire quʼIfremer doit être transféré à un pouvoir régional ce qui nʼa jamais été prévu par Jean-Marc Ayrault, ni par Manuel Valls. Que le « siège social » soit modifié nʼest au final quʼune affaire dʼécriture. Mais une écriture qui évite que Paris/Issy ne sʼapproprie la richesse produite ailleurs (puisquʼil est exact de dire que la plupart des emplois liés à Ifremer sont situés hors de Paris). Jamais il nʼavait été question – du moins dans lʼesprit de lʼUDB qui avait proposé ce transfert de siège – de fermer lʼantenne dʼIssy-les-Moulineaux. Le parti autonomiste entendait surtout faire écho à la proposition de Christian Guyonvarcʼh dʼobtenir un ministère de la mer en Bretagne (voir Peuple breton de juin 2012). Un symbole plutôt quʼautre chose… Visiblement, même le symbole est insurmontable en France !

Plus quʼune « délocalisation », cʼest donc un déplacement du centre de décision (on ne prendrait plus la décision à Issy, mais à Brest) qui est envisagé. Cela paraît anodin et pourtant, cʼest ce pouvoir de décision (et non dʼexécution) qui favorise lʼagrégation dʼentreprises dont les thèmes sont connexes. On rappellera à ce propos que deux autres directions dʼorganismes nationaux avec lesquels Ifremer travaille de manière étroite, le SHOM et lʼAgence des aires marines protégées, sont basées à Brest. Ces deux organismes gagneraient en efficacité, au service de la mer, si le centre de décision dʼIfremer était déplacé. On ajoutera, par ailleurs, quʼAnne-Marie Kervern, élue UDB, a déjà réclamé que la flotte dʼIfremer soit entretenue en Bretagne plutôt quʼen Pologne.

En résumé, ce n’est pas le nombres de postes concernés qui est importe (même si, mesdames, messieurs les parisiens, on vit bien à Brest !), c’est l’aspect symbolique et économique qui conforte Brest, « métropole océane », dans son leadership national et européen en matière de sciences et techniques de la mer.

> Ar Skridaozerezh / La Rédaction

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