Le métier dʼarchitecte local selon Claire et Jean-Pierre Leconte…

Leconte Antak

Afin de donnons la parole aux entrepreneurs qui ont fait le choix de valoriser un aspect de l’identité bretonne dans leur entreprise, Le Peuple breton a demandé à Marion Leconte de réaliser un entretien avec Claire et Jean-Pierre Leconte, ses parents, fondateurs dʼune agence dʼarchitecture engagée dans la préservation et la restauration du patrimoine et plus particulièrement celui de la Bretagne. Après avoir vécu pendant plusieurs années à Paris, ils ont créé leur agence à Nantes dans les années 1980.

En quoi consiste le métier dʼarchitecte du patrimoine ?

J.-P. L. : le travail est spécialisé dans la restauration et le réaménagement du bâti ancien. Lʼarchitecte est celui qui conçoit le projet mais pour cela il faut bien entendu discuter avec les clients, comprendre leur souhait tout en faisant une analyse du bâtiment à traiter pour comprendre ses caractéristiques et trouver un lien entre le souhait du client et ce que le bâtiment peut supporter.

C. L. : pour être architecte du patrimoine il faut faire une formation spécifique de deux ans, qui ouvre la porte à plusieurs métiers : architecte en profession libérale ou, après des concours spécifiques, architecte en chef et architecte des bâtiments de France. Un architecte du patrimoine décrit dʼabord le projet, le chiffre avec des entreprises du bâtiment puis commence la réalisation.

Peut-on parler dʼarchitecture locale ?

C. L. : lʼarchitecture locale est liée à des façons de faire et à la disponibilité de certains matériaux. Par exemple, en Bretagne lʼusage du granit et de lʼardoise, alors que dʼautres régions utilisent la tuile.

J.P. L. : les bâtiments anciens étaient construits à des périodes où les échanges étaient plus limités que maintenant donc les matériaux sont souvent proches, ce qui détermine ensuite des savoir-faire spécifiques régionaux, de la même manière quʼexistent les costumes et les parlers. Nous restaurons surtout des bâtiments religieux car la Bretagne est une des régions de France qui possède le plus dʼédifices religieux : chapelles, églises, calvaires, fontaines… Ce sont souvent des bâtiments portés par les populations et des associations qui en assurent lʼentretien donc il faut tenir compte de lʼinvestissement que les gens mettent dans leur patrimoine avant toute modification.

Quelles sont alors les spécificités de lʼarchitecture bretonne ?

C. L. : ceci est particulièrement lié à lʼutilisation du bâtiment et en Bretagne on pense aux toits qui ont une forte pente, ce qui permet lʼécoulement de la pluie ainsi que les cheminées qui permettaient de chauffer et cuisiner.

J.P. L. : le granit, les schistes, les grès, des bâtiments massifs, voilà ce qui constitue lʼhabitat vernaculaire. Mais il faut préciser que les professionnels depuis longtemps circulaient, les compagnons bâtisseurs faisaient leur tour de France. Pour construire les manoirs, les églises importantes il y avait des apports extérieurs. En Loire-Atlantique par exemple il y a une influence du Val de Loire notamment avec la pierre calcaire, mais aussi de lʼAngleterre ou de la Normandie.

Que signifie, aujourdʼhui, sauvegarder une architecture locale ?

J.P. L. : on maintient un patrimoine varié et on encourage les savoir-faire. Mais beaucoup de matériaux ont disparu. Il nʼy a plus dʼardoises en Bretagne. Certaines pierres ne sont plus extraites. Cʼest le cas du marbre de Laval par exemple. Les bonnes carrières de granit servent aujourdʼhui à extraire des gravillons donc on fait venir les blocs du Portugal ou de Chine où lʼextraction est moins coûteuse. Il y a une tendance à la spécialisation au sein de grosses entreprises au détriment de savoir-faire détenus par de nombreux artisans. Ainsi des grosses entreprises dʼAngers ou du Mans ont le marché breton et du Maine et Loire à la fois.

C. L. : lʼarchitecture locale cʼest avant tout le reflet des habitudes transmises depuis des siècles. Par exemple lʼarchitecture des lotissements ou des buildings peut se retrouver en plusieurs endroits aujourdʼhui, alors quʼauparavant, pour construire, il fallait sʼadapter à des contraintes de proximité.

Votre sigle « Antak » vient du breton*, pourquoi ce choix ? Est-ce un atout ?

J.P. L. : en architecture la commande est très centralisée du fait de lʼinfluence des services de lʼEtat, et nous sommes une petite entreprise, donc il nous a été difficile de nous implanter dans certaines villes de Bretagne et, venant de Nantes, nous avons parfois été considérés comme des étrangers, cʼest pourquoi nous avons choisi le sigle Antak* pour montrer que nous sommes proche de la population locale et que nous faisons travailler des artisans locaux. Cʼest plutôt bien perçu et le sens est bien compris, cʼest en adéquation.

C. L. : Le sigle en breton est un choix volontaire. Nous avons eu un salarié, un jeune qui nous a trouvé le logo qui va avec le sigle, nous voulions quelque chose de facilement reconnaissable. Et ça marche, les gens se souviennent du sigle même sʼils ne comprennent pas le sens du mot en breton. On nous a même demandé une fois si ce nʼest pas un mot de grec ancien !

* Antak est une abréviation de « an takanaerion » qui signifie en breton « les raccomodeurs ».

> Marion LECONTE

Nantaise, Marion Leconte a fait un double cursus de breton et de géographie. Puis elle a choisi de poursuivre ses études en géographie afin de pouvoir voyager hors Europe et notamment en Inde du sud. Elle se prépare actuellement au métier de l’enseignement dans le secondaire.