“Écologie ou gauchisme il faut choisir !”, chronique du livre de François de Rugy

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François de Rugy, député de Loire-Atlantique vient d’annoncer son départ d’Europe Écologie – Les Verts (EELV) qui, selon lui, “s’enfonce dans une dérive gauchiste“. En ligne de mire, les accords entre la formation écologiste et le Front de Gauche pour les élections régionales mais aussi la question de la participation au gouvernement, sujets qui alimentent les débats et les divisions au sein d’EELV. Désireux d’une “écologie qui agit” plutôt qu’une écologie qui s’agite, c’est dans ce contexte que le député signe son deuxième ouvrage : “Écologie ou gauchisme il faut choisir !”.

Le titre est provocateur et quelque peu binaire mais a le mérite de faire comprendre la thèse du député écologiste dès la première de couverture. Pour François de Rugy, deux possibilités s’ouvrent aux écologistes : soit une stratégie réformiste qui, pour faire avancer des idées concrètement, conduit à la participation à la majorité gouvernementale, soit une posture gauchiste et donc contestataire, peu constructive et peu encline à exercer des responsabilités. On l’aura compris, le député invite à choisir la première des solutions. Entre une écologie politique “donneuse de leçons” et une autre qui serait “une manifestation tardive du gauchisme des années 1960-1970“, il a, pour sa part, fait son choix : “promouvoir une écologie de liberté, une écologie du choix, une écologie débarrassée de ses complexes vis-à-vis d’une “gauche de la gauche” à laquelle elle se croit en permanence tenue de donner des gages, ou de l’exercice du pouvoir qu’elle considère trop souvent comme une épreuve plus que comme une opportunité“. Aussi, il revient sur la sortie des députés EELV du gouvernement qui ne lui a pas convenu, refuse de voir l’écologie s’orienter vers l’extrême-gauche et considère que “la place des écologistes est plus que jamais au sein d’un large rassemblement“.

Le désamour des écologistes vis-à-vis du gouvernement

Conscient que le contexte est davantage au désamour entre les écologistes et le gouvernement qu’à l’union, François de Rugy tente d’expliquer cette situation. Selon le député, le sentiment de trahison qui est ressenti vis-à-vis des promesses de campagne de François Hollande serait inhérent à l’élection présidentielle où “pour être élu, le candidat à l’obligation quasi-mécanique d’exprimer un programme que chacun peut lire en fonction de sa propre grille“. Ainsi, les résultats de l’action présidentielle seraient analysés suivant les différentes interprétations des électeurs quant à ce qu’ils ont compris d’un engagement, provoquant de fait des mécontentements. Si certains engagements du candidat Hollande étaient en effet assez vagues, il faut pourtant dire que la plupart étaient parfaitement clairs… Par exemple celui de “supprimer les stock option et d’encadrer les bonus”, comme bien d’autres ne laisse pas la porte ouverte à de multiples interprétations et comme un certain nombre n’a pas été tenu. Quoi qu’il en soit, face à la crise démocratique que connaît la France, François de Rugy apporte quelques pistes. Au fil de l’ouvrage différentes propositions intéressantes sont à noter comme l’inscription sur les relevés d’imposition du coût des services publics dont aura bénéficié le contribuable, permettant ainsi de donner du sens à l’impôt. Ou encore l’idée de s’inspirer d’un mécanisme québécois qui oblige d’étudier le résultat d’une loi en la revotant cinq ans après et qui, si elle n’est pas revotée est annulée. La question de la technocratisation de la parole politique ou encore de la différence entre le temps du citoyens et celui du politique sont aussi des problématiques que François de Rugy soulève brillamment. Il développe également quatre propositions pour réformer les institutions : rendre le vote obligatoire, élire le président et les députés le même jour, instaurer la proportionnelle aux élections législatives* et réduire le nombre de parlementaires. Si on regrettera de ne pas voir figurer la nécessaire fédéralisation de la France, chacune de ces quatre propositions, qu’on les partagent ou non, sont très bien argumentées et méritent toutes débat. En nommant “syndrome de la trahison” le ressenti faisant suite à ce qui serait différentiel d’appréciation entre les promesses de campagne et leur application concrète, François de Rugy est parfaitement conscient que ce sentiment n’est pas un “fantasme“. Il y voit deux causes principales, imputables au gouvernement : la non-renégociation du traité budgétaire européen et les actions de soutien aux entreprises qui n’étaient pas prévues dans le programme de François Hollande.

Le réformisme pour peser sur les décisions

Le député écologiste considère, néanmoins, que d’ici à 2017, un changement de cap économique n’est pas envisageable en termes de délais. Même si les écologistes étaient en capacité de tenir le gouvernail, François de Rugy pense qu’ils ne pourraient appliquer une politique de relance sans aller vers un échec. “Il faut assumer que la relance de l’économie et de l’emploi en France passe par la restauration de la compétitivité des entreprises, et accepter que celle-ci passe par une baisse du coût du travail […] et une relance de l’investissement privé” dit-il. Chacun comprendra que ce positionnement, qui ferme la porte à toute alternative, illustre de lui-même l’écart idéologique qui existe entre François de Rugy et la majorité actuelle d’EELV sur les questions économiques.

Pour les deux ans à venir, d’ici à la fin du mandat présidentiel, le député appelle à ne pas tomber dans une opposition bille en tête. Pour François de Rugy, le temps restant doit être le moment d’agir pour l’écologie, “de mettre les mains dans le cambouis” et non de s’allier avec l’extrême-gauche ou de “se recroqueviller“. Revendiquant pleinement ses convictions réformistes, le député soutient qu’agir de l’intérieur, là où se prennent les décisions sera bien plus profitable à l’écologie que de rester à l’extérieur, dans une position contestataire. Face aux critiques sur l’opportunisme, il assume “de [faire] de la politique avec l’ambition d’exercer des responsabilités” et ce “pour peser sur les décisions“. Faire partie du gouvernement ? “Pour y faire progresser les solutions écologistes, je répond oui sans hésiter” affirme t-il. Pour justifier l’intérêt d’une telle participation, il reprend les blocages sur l’écotaxe ou la circulation alternée et considère qu’un ministre écologiste “aurait agit différemment” sur ces dossiers, il souligne la rapidité avec laquelle un membre du gouvernement peut agir sur un dossier et appelle à valoriser ce qui a été obtenu pour l’écologie grâce au travail parlementaire en citant, sur quatre pages complètes, diverses avancées.

Un clivage politique de fond au sein d’EELV

Pour autant, François de Rugy est conscient que les divergences d’appréciation stratégique pour faire progresser des idées, entre réformisme et rupture “s’inscrivent dans un clivage politique de fond“. A la lecture du dernier chapitre, consacré à l’entreprise, on constate que c’est peu de le dire. On peut y mesurer le fossé qui sépare le courant actuellement majoritaire à EELV et les propositions de François de Rugy qui prône une vision réformiste et sociale-démocrate des rapports que l’écologie doit entretenir avec les entreprises. Aussi, il ne s’interdit pas de réfléchir aux éventuels bienfaits de la fixation d’un prix pour la nature, aux conséquences éventuellement positives du low-cost et déclare qu'”il ne faut pas condamner les grands groupes […]. Total, par exemple emploie cent mille salariés dans le monde. Un tiers travaille en France“. La dichotomie entre ces prises de position et la base d’EELV qui vote majoritairement pour des alliances avec le Parti de Gauche saute aux yeux. La diversité politique qui cohabite sous un même dénominateur commun qu’est l’écologie est forte, tant sur les options stratégiques qu’idéologiques. Est-il possible de faire cohabiter de telles différences d’approche tout en gardant une cohérence, sans exploser en vol ? Sur le plan de la tactique, François de Rugy considère que “l’écologie politique c’est un dialogue permanent et un équilibre entre les écologistes protestataires, “mouvementistes” et les écologistes réformistes” Sur le plan du fond politique, pour le député, “soit EELV est capable de faire vivre sa diversité, soit elle s’enferme dans un repli pseudo identitaire […] au profit d’un positionnement “alternatif de gauche” [et] alors le mouvement éclatera“.

Intéressant et bien écrit, l’ouvrage de François de Rugy intéressera au-delà des adhérents d’EELV, bien que son but soit d’interpeller ses anciens camarades et, désormais, d’expliquer son choix entre ce qu’il considère comme une écologie qui agit et une écologie de repli. Le livre du député écologiste apporte, que l’on soit d’accord avec lui ou pas, des pistes et des sujets de débats intéressants sur la vie politique et démocratique. Il bouscule aussi, tant sur le fond que sur la forme et permet de réfléchir une nouvelle fois sur ce vieux débat irrésolu qui secoue la gauche, entre réforme et rupture.

Promesse de campagne de François Hollande, abandonnée en cours de mandat.

> Ar Skridaozerezh / La Rédaction

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