Crédit photo : Galléco
Patrick Jéhannin officie depuis deux ans sur un blog, “Être ou ne pas être Bretillien“, dans lequel il publie des billets dénonçant l’absurdité du terme « brétillien » inventé il y peu pour définir les habitants d’Ille-et-Vilaine, mais aussi la « gabegie départementale ». Le Peuple breton lui a demandé son avis sur le Galléco, la monnaie « locale » créée par le Conseil départemental d’Ille-et-Vilaine.
« C’est au cours de la session des 14 et 15 février 2013 qu’en plein trip identitaire, le Conseil général d’Ille-et-Vilaine se prononce sur la démarche de recherche d’un « gentilé » et sur la décision d’expérimenter « le Galléco, la monnaie solidaire d’Ille-et-Vilaine afin de dynamiser l’activité et l’emploi local », en s’engageant à hauteur de 346 500 euros sur 3 ans. C’est sans compter une avance remboursable de 40000 euros consentie à l’association éponyme qui a été créée pour gérer le dispositif, afin qu’elle soit déposée à la banque pour garantir les 40000 premiers euros de « coupons » imprimés par le département. C’est aussi sans compter notamment les frais de personnel et de communication restés à la charge de la collectivité, pour promouvoir « la monnaie solidaire bretillienne » (sic), réputée urbi et orbi devenir en France la première monnaie complémentaire à l’échelle départementale. Tout bien compris, l’engagement doit approcher les 500000 euros.
Dynamiser l’activité et l’emploi local ?… Autant rire. La masse monétaire en circulation au bout d’un an de fonctionnement était de 26.174 gallécos, soit 26.174 euros, et la vitesse de circulation de ces coupons était deux fois plus faible que celle de l’euro alors que les spécialistes estiment qu’elle devrait être de l’ordre de quatre fois plus élevée que celle ci.
Je partage l’indignation des promoteurs du projet en ce qui concerne le dévoiement des monnaies dominantes. Je ne suis pas insensible à l’idée de protéger l’environnement comme à celle de favoriser les liens sociaux. Je respecte bien volontiers ceux qui œuvrent dans le sens de leurs idéaux. Mais je ne crois pas que le remède soit l’instauration d’une monnaie départementale gérée par une association dont les statuts ne sont guère sécurisants. Je doute également qu’il y ait dans le département beaucoup de contribuables à considérer que la poursuite de cet objectif relève d’un financement par l’impôt, comme c’est actuellement le cas. Enfin, je supporte mal qu’une toute petite poignée d’adeptes d’un comité local se croient autorisés à qualifier d’éthique (ou non) telle ou telle entreprise.
J’ajoute que cette soi-disant « monnaie » n’en est évidemment pas une et que ce n’est même pas un « titre de monnaie » au sens plus large que lui a donné la dernière loi sur l’économie sociale et solidaire. Le galléco n’est ni fractionnable (il n’y a pas de centimes), ni fongible (il n’est pas convertible par les particuliers qui en détiennent). Il ne bénéficie pas de la part de l’Autorité de contrôle prudentiel de l’exemption d’agrément que doivent obtenir les projets de cette nature. Il ne s’agit en réalité que d’un coupon, « comme n’importe quel bon d’achat ou ticket restaurant, sauf que le galléco est seulement valable dans un réseau local d’adhérents à une association ». Il ne faut donc pas s’étonner de lire au procès-verbal du « conseil des collèges » qui est l’instance dirigeante de cette association que « le bilan après un an reste mitigé en termes de résultats. Il s’inscrit dans un feu d’artifice planétaire de monnaies complémentaires mais combien de monnaies survivront ? Le modèle actuel du galléco n’est pas pérenne ».
Il est grand temps de réfléchir à toutes les questions que pose la fin de la période d’expérimentation, dans un an, à savoir la capacité de remboursement du prêt consenti pour trois ans, la pérennité des coupons s’ils ne sont plus gagés, le devenir des salariés au regard de leur contrat de travail… »