LʼUnion européenne ne suscite plus beaucoup dʼespoir et cʼest un euphémisme. De plus en plus nombreux sont ceux qui ne voient plus dans ce projet une voie vers un monde plus juste. LʼUnion européenne est en effet étranglée par deux fléaux : le néo-libéralisme et ce quʼon pourrait appeler le « fédéralisme étatique » (la fédération dʼÉtats en lieu et place dʼun réel fédéralisme européen des peuples) qui, dʼailleurs, font très bon ménage…
Pour beaucoup, les idéologies sont mortes. Comme ils ont tort ! Depuis la chute du modèle soviétique, le « modèle » capitaliste sʼest imposé presque partout dans le monde. Ce dernier a considérablement évolué depuis 1991 et la lutte des classes est désormais rangée au rayon des concepts périmés, voire anachroniques. Or, non seulement le concept nʼest pas périmé, mais il est plus fort que jamais et la paupérisation sʼaccélère malgré la richesse des États membres de lʼUnion européenne. Du fait de la mainmise des néo-libéraux sur les États, on pourrait même être tenté de dire que le XXIème siècle réinvente progressivement le XIXème ! Un beau paradoxe pour des soi-disant « progressistes ».
Car ce sont bien les néo-libéraux qui détiennent les rênes de quasiment tous les États européens dʼEurope de lʼouest. Ce sont eux qui ont remporté, à force de promesses non tenues, les élections dans les diverses sociétés composant lʼUnion européenne. On pourrait trouver étrange que des partisans de la réduction de la sphère publique se soient tant investis en politique plutôt que dans le monde économique, mais cʼest méconnaître le fonctionnement du monde dʼaujourdʼhui qui a fait de lʼÉtat le détendeur de la souveraineté réelle. LʼONU, par exemple, ne représente pas les peuples, mais les États. Ainsi en va-t-il également pour lʼUnion européenne. Or, de tout temps, le capitalisme a été porté par les États et, contrairement aux théories qui veulent que le marché se régule de lui-même, le modèle dominant dépend essentiellement des aides que la puissance publique lui accorde. Sans ces aides, il ne saurait survivre. Or, en privilégiant un modèle économique, lʼÉtat casse un autre modèle possible… question de choix, question dʼidéologie donc. Les néo-libéraux protègent le modèle économique dominant, mais aussi le modèle institutionnel actuel, étatique. En témoigne le gouvernement espagnol qui refuse de reconnaître aux catalans leur droit de peuple à disposer dʼeux-mêmes.
La gestion du dossier de la dette grecque par exemple a fait apparaître un certain nombre dʼinterrogations, notamment au sein la gauche européenne. À Cardiff, en juillet dernier, Jill Evans, député européenne du Plaid Cymru, disait même « se questionner sur lʼUnion européenne pour la première fois de sa vie dʼélue » tant elle avait été choquée par le traitement du dossier. Alexis Tsipras dont lʼambition était dʼéviter de nouvelles régressions sociales au peuple grec a en effet du plier genou devant lʼintransigeance des néo-libéraux au pouvoir. Responsable en cheffe, Angela Merkel fait aujourdʼhui figure dʼépouvantail, mais ne doutons pas quʼelle nʼest que la meneuse dʼun bloc néo-libéral dont le cortège est assez hétéroclite puisquʼil sʼétend désormais aux sociaux-démocrates. Le parti socialiste français, si prompt à expliquer ce quʼest la gauche et ce qui ne lʼest pas, ne sʼest dʼailleurs pas élevé (ou si peu) contre les mesures prises à lʼencontre du peuple grec, mesures quʼil aurait dénoncé immédiatement si elles avaient été destinées aux français. Elle est loin lʼInternationale ! En poussant un peu lʼanalyse, on serait tenté de dire que certains dirigeants européens cherchent à construire une Europe à deux vitesses dans laquelle les multinationales des États riches pourraient délocaliser près de chez eux, en Méditerranée (Italie du Sud, Espagne, Grèce…).
Cʼest cette absence de solidarité qui, fondamentalement, caractérise lʼUnion européenne dʼaujourd’hui. Et dans le rôle de leader de lʼégoïsme national, cʼest bien le Royaume-Uni qui détient le haut du pavé et plus précisément lʼAngleterre. Bien que ne comptant quʼun seul député à Westminster, UKIP, parti eurosceptique et nationaliste anglais, a fait une démonstration de force lors des dernières élections législatives en mai dernier et a forcé le conservateur David Cameron à proposer un référendum sur la sortie du Royaume-Uni de lʼUnion européenne. Le Premier ministre a expliqué quʼil soutiendrait cependant le maintien dans lʼUnion européenne sous plusieurs conditions : renoncer à une union plus étroite, réguler lʼimmigration, mais surtout continuer la dérégulation économique en cours en acceptant notamment le traité de libre-échange transatlantique.
Deux cas très différents donc : la Grèce aurait pu être mise hors de lʼUnion européenne du fait dʼune politique de gauche et le Royaume-Uni qui négocie son maintien sous condition de continuer une politique de droite ! La question qui se pose alors est celle-ci : peut-on être membre de lʼUnion européenne et mener une politique de gauche ? Dans ce contexte, il appartient aux partis représentant les minorités nationales de défendre une autre idée de lʼEurope, une Europe qui protège et pas une Europe qui précarise, une Europe qui dépasse enfin les États et qui nʼait pas pour seule perspective la création dʼun marché, mais bien le bien-être des citoyens et des peuples. Lʼémergence des peuples minorisés cassant la logique dʼÉtat-nations doit aussi assurer lʼémergence dʼun contre-pouvoir au néo-libéralisme ambiant. Sans quoi, lʼUnion européenne sʼeffondrera sur elle-même.