Obsolescence programmée : réelle avancée ou écran de fumée ?

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Lʼobsolescence programmée désigne « lʼensemble des procédés mis en œuvre par des sociétés de vente et de fabrication de produits en vue de réduire la durée de vie de ces derniers et, par conséquent, dʼaugmenter leur taux de remplacement ». Champion de ce procédé, la multinationale Apple dont les logiciels privatifs évoluent à grande vitesse ce qui oblige à changer dʼappareil régulièrement. Outre lʼinformatique, lʼélectroménager est également concerné. Le gouvernement a décidé, fort justement, de sʼattaquer au problème…

Après la proposition de loi dʼEELV au Sénat en 2013, après la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation (dite « loi Hamon »), ce problème aurait trouvé sa solution grâce à la « loi de transition énergétique pour la croissance verte » qui punit les fabricants qui réduisent « délibérément la durée de vie dʼun produit pour en augmenter le taux de remplacement ». Le fabricant et le vendeur devront informer de la période pendant laquelle ou de la date jusquʼà laquelle les pièces détachées indispensables à lʼutilisation des biens sont disponibles sur le marché.

Imaginons donc : jʼachète une machine à laver. Ma facture indique que mon bien a une durée de vie de 5 ans et que les pièces sont disponibles durant 3 ans. Si ma machine tombe en panne au bout de 5 ans, comment puis-je me retourner contre le vendeur au nom de la « loi de transition énergétique pour la croissance verte » ? Je ne peux pas. Le fabricant ou le vendeur a rempli son contrat. Mais est-ce pour autant que le phénomène dʼobsolescence programmée est supprimé ?

On sait depuis longtemps quʼune ampoule peut avoir une durée de vie dʼau moins un siècle et que les machines à laver ou les réfrigérateurs de nos grand-parents vivaient plus dʼune génération. Dès lors quʼen 2015, la durée de vie de ces produits a réduit, ne peut-on pas dire quʼil sʼagit dʼobsolescence programmée ? Bien sûr que si ! Il sʼagit, pour les concepteurs, dʼaccélérer lʼachat en fabriquant des objets à faible coût (voir de mauvaise qualité) que lʼon peut changer régulièrement, parfois en fonction de la mode. Comment donc changer cette duperie capitaliste avec une « loi de transition énergétique pour la croissance verte ». Remettre en cause lʼobsolescence programmée, nʼest-ce pas remettre en cause le dogme de la « croissance », fusse-t-elle verte, rouge ou bleue ?

Imaginez maintenant un autre dispositif. Un dispositif tout simple qui remet en cause ce modèle : lʼobligation de garantie. Imaginez que le gouvernement ait imposé une garantie de 10 ans sur lʼélectro-ménager ou le hifi. Si votre machine à laver tombe en panne avant cette date, cʼest le fabricant qui prend en charge la réparation. On passe dʼune société jetable à une société de réparation. Le fabricant embaucherait des réparateurs plutôt que de rembourser la machine ! Alors évidemment, il faudra accepter que le prix de votre machine soit plus élevée, mais vous auriez la garantie quʼelle dure 10 ans. Lʼinnovation devient un choix et lʼappareil peut continuer à fonctionner même sʼil est désuet. Un investissement en somme. Un investissement qui, à lʼéchelle de la société, créé énormément dʼemplois locaux et non délocalisables au passage.

En matière dʼécologie, il nʼy a quʼune règle qui vaille, celle des « 3 R » : dans lʼordre, « réduire », cʼest à dire se poser la question du besoin avant dʼacheter ; « réutiliser », cʼest à dire ne pas jeter ce qui fonctionne encore et réparer ce qui peut lʼêtre ; « recycler », cʼest à dire la valorisation des déchets. Comment peut-on appliquer cette règle sans une remise en cause du modèle de « croissance » qui, lui, a besoin de produire, produire, produire ? Mais dès lors que nous agirions de la sorte, nʼest-ce pas lʼensemble de notre société quʼil faudrait remettre en cause ? Car ce nʼest pas simplement notre modèle économique qui est basé sur la croissance, mais lʼensemble de notre système social…

Derrière lʼobsolescence programmée, cʼest tout le fonctionnement économique et social de notre société qui est en cause. Hélas, remettre en cause ce fonctionnement nʼa jamais été lʼobjectif de cette loi.

> Gael Briand

Journaliste. Géographe de formation, Gael Briand en est venu au journalisme par goût de l'écriture et du débat. Il est rédacteur en chef du magazine Le Peuple breton depuis 2010. Il a également écrit « Bretagne-France, une relation coloniale » (éditions Ijin, 2015) et coordonné l'ouvrage « Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles » (Skol Vreizh, 2015). [Lire ses articles]