Le 27 septembre prochain auront lieu les élections (anticipées) de la Generalitat catalane. Artur Mas, lʼactuel président, les a présenté comme « plébiscitaires », lʼobjectif étant bel et bien dʼavoir une majorité légitime pour proclamer lʼindépendance. La méthode choisie est curieuse et ne fait pas lʼunanimité : lʼunité nationale. Certains militants dʼEsquerra Republicana de Catalunya (ERC), le parti historique de gauche indépendantiste, partenaire de lʼUnion démocratique bretonne, nous ont fait part de leur scepticisme sur la stratégie dʼalliance avec Convergence démocratique de Catalogne (CDC), le parti de droite bien quʼils comprennent le procédé qui vise à faire pression sur lʼÉtat qui fait la sourde oreille.
Pour sʼassurer un maximum de chances, ce ne sont ni Artur Mas (CDC), ni Oriol Junqueras (ERC) qui porteraient cette liste, mais lʼex-député européen écologiste Raul Romeva. La CUP, le parti de gauche radicale indépendantiste auquel est allié Breizhistance, était au départ dans cet attelage improbable, mais lʼa quitté du fait de lʼimplication trop forte des deux gros partis alors que cette liste devait, au départ, être « citoyenne ».
En tout état de cause, si cette liste – à laquelle participent une scission du Parti socialiste catalan (PSC) et une autre du parti démocrate-chrétien Union démocratique de Catalogne (UDC) – arrivait en tête, le gouvernement constitué pourrait purement et simplement proclamer unilatéralement lʼindépendance si Madrid sʼopposait à la tenue dʼun véritable référendum.
Mais la feuille de route sera difficile à tenir pour cette coalition qui perd du terrain dans les sondages. Certes, elle a de grandes chances de lʼemporter fin septembre, mais proclamer lʼindépendance nʼest pas chose aisée. Statutairement dʼabord car le blocage anti-démocratique de la Constitution espagnole pèse. Alors quʼArtur Mas travaille à un système fiscal propre à la Catalogne, le gouvernement Rajoy nʼexclut pas le recourt à lʼarticle 155 de la Constitution qui lui permet de se substituer au gouvernement catalan sʼil ne respecte pas les obligations de la Constitution. Deuxièmement, lʼindépendance nʼexiste que par rapport à dʼautres États qui doivent accepter le nouveau-venu. Or, de quels soutiens, y compris européens, pourraient se targuer la Catalogne ? Pour rappel, de nombreux États dans le monde nʼont toujours pas reconnu le Kosovo alors que celui-ci a proclamé son indépendance en 2008…
1,9 million de personnes ont voté pour lʼindépendance le 9 novembre dernier, mais il serait impossible aux catalans dʼy accéder ? « Impossible » nʼest pas le mot, mais on oublie trop souvent que lʼindépendance nʼest quʼun moyen, pas une fin. Si le gouvernement espagnol persiste dans son blocage, il accélèrera à coup sûr la scission catalane, mais il est fort probable quʼil promette, après quelques mois de pourrissement, le statut politique et fiscal accordé au Pays basque ce qui aura pour effet dʼétouffer le désir dʼindépendance pour quelques années encore. Dans le cercle militant, cette théorie est tout à fait crédible et les indépendantistes savent bien quʼils jouent, avec cette élection, leur va-tout démocratique.