
« Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. (…) Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. (…) Ces devoirs ont souvent été méconnus dans lʼhistoire des siècles précédents, et certainement quand les soldats et les explorateurs espagnols introduisaient lʼesclavage dans lʼAmérique centrale, ils nʼaccomplissaient pas leur devoir dʼhommes de race supérieure. Mais de nos jours, je soutiens que les nations européennes sʼacquittent avec largeur, grandeur et honnêteté de ce devoir supérieur de la civilisation ».
La colonisation par devoir civilisateur ! On ne peut sʼempêcher de retrouver, dans cet extrait du discours de Jules Ferry le 28 juillet 1885 devant la Chambre des Députés – pour soutenir la colonisation de Madagascar – lʼesprit « révolutionnaire » de textes comme ceux de lʼabbé Grégoire (« Le fédéralisme et la superstition parlent bas-breton »), de Barère et de quelques autres parfois beaucoup plus récents (Georges Pompidou : « Il nʼy a pas de place pour la langue bretonne dans une France destinée à marquer lʼEurope de son sceau »).
On ne sʼétonne pas que le héraut de lʼexpansion coloniale française soit aussi lʼune des principales incarnations de la politique dʼuniformisation linguistique de la France. Jules Ferry nʼignorait évidemment pas les intérêts économiques et militaires de la colonisation, quʼil développe abondamment dans le même discours, ni la place de la diffusion de la langue française dans le dispositif.
La colonisation apparait ainsi comme le prolongement naturel de la centralisation française, avec le même souci de contrôler les approvisionnements et les débouchés sur un marché débarrassé des grumeaux dʼidentités autonomes.
Sans anachronisme, à méditer…