Le Peuple breton sʼest procuré la déclaration du sommet de la zone euro qui sʼest tenu à Bruxelles le 12 juillet dernier et à lʼissue duquel Alexis Tsipras a du plier devant le néo-libéralisme. Même si notre journal nʼest pas dans le secret des Dieux, il est nécessaire de faire une analyse critique de ce que le gouvernement grec de Syriza sʼest engagé à faire.
Et en premier lieu, on ne peut quʼêtre fasciné par la façon dont ce « diktat » politique est entouré dʼun décorum démocratique. La déclaration explique dès le départ quʼ« il est essentiel que la maîtrise du processus revienne aux autorités grecques », mais tout le reste du document détaille la façon dont le peuple grec devra faire pour sortir du marasme dans lequel ils sont plongés ! Le peuple grec pensait que le référendum leur donnait une légitimité, ils sont aujourdʼhui condamnés à persister dans lʼerreur pour satisfaire la « Troïka » (Commission européenne, BCE, FMI) quʼils ont rejeté en élisant Alexis Tsipras.
Alors, bien sûr, il nʼest pas un jour sans quʼon nous rappelle que lʼoligarchie grecque ne paie pas dʼimpôts, que lʼéglise non plus. Il est aussi exact que la majorité politique précédente a triché sur les chiffres pour rentrer dans la zone euro (avec toutefois lʼaccord conscient des puissances financières européennes comme la France et lʼAllemagne). Certes, dʼune manière générale, la fraude fiscale est monnaie courante, mais il faut distinguer évasion fiscale et travail au noir qui sont deux sujets différents. Dʼun côté, des riches refusant de se soumettre à lʼimpôts, de lʼautre des travailleurs qui ne sont pas déclarés (au bénéfice souvent du patronat). Quand il devient impossible de vivre décemment avec un boulot sans salaire minimum, truander devient un réflexe de survie individualiste. Problème : ce qui est rentable pour soi-même à court terme ne lʼest plus dès lors que cela se généralise puisque les collectivités ne peuvent plus assurer les investissements collectifs au bénéfice de tous.
Le Premier Ministre grec, Alexis Tsipras, était conscient quʼune sortie de lʼeuro aurait nécessité lʼinstallation dʼune nouvelle monnaie, monnaie coûteuse qui, à coup sûr, aurait été très rapidement dévaluée. Il ne pouvait donc pas jouer le pourrissement trop longtemps de peur dʼêtre exclu de la zone euro. Il faut dire quʼon a beau critiquer lʼeuro, cette monnaie reste une référence mondiale et comme chacun sait, la monnaie est affaire de confiance. Et qui donc aurait eu confiance dans la monnaie grecque ? Menacer la Grèce de sortir de lʼeuro était donc une méthode pour les faire accepter nʼimporte quoi, y compris des compromissions majeures.
Que doit donc faire la « colonie Grèce » pour satisfaire ses créanciers ? Parmi les réformes à adopter pour le 15 juillet, on trouvait « des mesures directes pour améliorer la viabilité à long terme du système des retraites dans le cadre dʼun programme global de réforme des retraites ». Tous les européens savent désormais que le mot « réforme » est synonyme dʼ« austérité ». Ainsi, il faudrait plutôt lire « allongement de la durée de cotisation ». Quʼà cela ne tienne ! Selon Nicolas Sarkozy, « le problème cʼest quʼon ne travaille pas assez en Grèce » (TF1, le 8 juillet 2015). Quelques années de plus ne devraient donc pas embarrasser de trop ces fainéants ! Ce genre de rhétorique relève du racisme. Du Grec à lʼAfricain, chacun sait que la fainéantise est génétique ! Seulement voilà, Alternatives économiques a prouvé, chiffres à lʼappui que cʼest justement les Grecs qui font le plus dʼheures hebdomadaires au sein de lʼUnion européenne.
La Grèce doit aussi « adopter des réformes plus ambitieuses du marché des produits assorties dʼun calendrier précis de mise en oeuvre de toutes les recommandations du volume I du manuel de lʼOCDE pour lʼévaluation de la concurrence, y compris dans les domaines suivants : ouverture des magasins le dimanche, périodes de soldes, propriété des pharmacies, lait et boulangeries, à lʼexception des produits pharmaceutiques vendus sans ordonnance qui feront lʼobjet dʼune mise en oeuvre à un stade ultérieur, ainsi quʼen ce qui concerne lʼouverture de professions fermées essentielles au niveau macro-économique (par exemple, les transports par ferry) ». Ah, le petit manuel de lʼOCDE, une référence…
Mais ce nʼest pas terminé : « en ce qui concerne les marchés de lʼénergie, procéder à la privatisation de lʼopérateur du réseau de distribution dʼélectricité (ADMIE), à moins que lʼon puisse trouver des mesures de remplacement ayant un effet équivalent sur la concurrence, comme convenu par les institutions ». La privatisation de lʼénergie, un grand classique du libéralisme de même que la réduction des coûts de lʼadministration publique grecque (comprenez le licenciement de fonctionnaires), prévue elle aussi.
Moralité : pour relever un Etat endetté, rien de tel quʼune bonne dose de libéralisme. Il est vrai que cela a réussi partout ailleurs dans le monde ! Le journal La Tribune estime que « le premier ministre grec avait fait le pari que lʼon pouvait modifier la zone euro de lʼintérieur et réaliser en son sein une autre politique économique ». Reconnaissons que cʼest un échec. Lʼeuro est malheureusement devenu le signe dʼune politique économique libérale portée par la chancellerie allemande. Quant au Grexit évoqué, il a dʼores et déjà donné des idées à tous les souverainistes européens.
Le parti radical Syriza va-t-il se « social-démocratiser » et chercher à limiter lʼimpact du libéralisme ? Ou va-t-il exploser en vol ? Trop tôt pour le dire, mais lʼUnion européenne joue un jeu très dangereux. Car contrairement aux phrases qui visent à légitimer lʼingérence intolérable qui a eu lieu ces dernières semaines (et qui va se poursuivre), le risque est fort que le peuple grec soit contraint de revoter. Pour élire les anciens perdants ? Ou les radicaux inverses : ceux qui tendent le bras et préparent la guerre ? LʼItalie a déjà vécu la nomination dʼun premier ministre par la Commission européenne. Le cas peut donc se reproduire ! Un pas de plus dans la colonisation à venir ? Ce nʼest en tout cas pas de cette façon que lʼon peut définir un « pro-européen ». Car cette Europe-là ne protège pas, elle précarise.