Quels transports pour la Bretagne ? Point de vue sur la marche de l’UDB Jeunes

train

Les Jeunes de l’Union démocratique bretonne organisent une marche d’Auray à Saint-Brieuc au mois de juillet, pour « dénoncer l’insuffisance du transport ferroviaire en Centre-Bretagne » et « interpeller la population sur le centralisme ferroviaire soutenu par l’État français, qui favorise la mise en place de lignes à grande vitesse entre Paris et les métropoles ».

Nous voilà donc conviés à user nos semelles du 10 au 14 juillet, dans l’espoir de pouvoir un jour effectuer le même trajet (Auray – Saint-Brieuc via Pontivy et Loudéac) sur le siège d’une rame TER. Une question de confort uniquement ?

Loin de là. Depuis 50 ans, le maillage ferroviaire breton n’a cessé de se réduire. Alors que l’économie se développait et que la mobilité de tous augmentait de manière exponentielle, on a fermé des gares par dizaines et laissé des chemins de fer servir de chemins de randonnées. Carhaix, autrefois au centre d’une étoile ferroviaire, n’est aujourd’hui reliée au réseau ferré que par une ligne dont elle est le cul-de-sac. Les lignes Guigamp-Paimpol Guingamp-Carhaix semblent être promises à une disparition à moyenne échéance, retardée heureusement par la détermination des habitants des villes concernées.

Pendant les « 30 glorieuses », le recul du rail a été compensé par l’essor de l’usage de la voiture individuelle, qui semblait offrir plus de liberté. Le transport de marchandises a également été peu à peu sabordé au profit du transport routier (et ce ne sont pas les cheminots qui nous diraient le contraire !). Principal désavantage de ces modes de transport sur le rail : ils sont plus gourmands en énergie, sauf sur de courts trajets. (1) Ce qui ne posait pas de grave problème au temps du pétrole bon marché risque en revanche de se transformer en piège avec les hausses du prix à la pompe, irrégulières mais inéluctables. Quant aux véhicules électriques, il faut bien les alimenter et l’on voit mal aujourd’hui ce qui pourrait remplacer les énergies fossiles pour produire suffisamment d’énergie. À l’heure où les économies d’énergie reviennent à la mode, le train pourrait effectivement reprendre une partie du terrain perdu sur l’automobile. Mais pas dans n’importe quelles conditions.

Le train n’est en effet plus efficace que la voiture (pour les voyageurs) ou que les camions (pour les marchandises) qu’à une condition : qu’il soit à peu près plein. Et son emprise au sol (voies ferrées) peut poser problème, en réduisant le terrain agricole disponible. Avant de dépenser des centaines de millions d’euros à (r)ouvrir des lignes, assurons-nous donc qu’elles puissent répondre à un besoin !

À première vue, la ligne Auray-Saint-Brieuc ne promet pas des records de fréquentation. Auray est une petite ville par ailleurs déjà desservie par la ligne Quimper-Redon, Saint-Brieuc est en déclin démographique et elle aussi déjà desservie une ligne (Rennes-Brest). Il est vrai en revanche que les habitants de Baud, Pontivy, Loudéac, Plaintel… n’ont guère d’autre choix que la route pour se déplacer.

Selon les organisateurs de la marche, l’intérêt de cette ligne ne serait pas uniquement de desservir les villes concernées mais aussi d’offrir une alternative aux passages par la gare de Rennes et par celles de Brest. Il n’existe aujourd’hui aucune ligne entre le nord et le sud de la Bretagne hormis Brest-Quimper (dont les travaux de rénovation traînent en longueur) et Nantes-Redon-Rennes. Cette situation impose des détours parfois longs et coûteux aux voyageurs désireux de se déplacer entre les villes moyennes qui structurent le territoire breton : Un Vannes-Guingamp se fait par Rennes, un Lorient-Saint-Brieuc par Rennes ou par Brest… Le coût et la durée limitent sérieusement l’intérêt du train face à la voiture, faute d’infrastructures.

Mais d’autres liaisons méritent autant d’intérêt qu’une hypothétique ligne Auray – Saint-Brieuc. Une grande partie de la population bretonne se concentre aujourd’hui dans les métropoles. Les trajets domicile-travail s’y multiplient et se font le plus souvent en voiture. Augmenter le cadencement de trains entre les villes centre comme Rennes, Nantes ou Brest offrirait un moyen de déplacement plus économique, plus écologique, moins stressant et moins soumis au risque d’embouteillage, avec une bonne fréquentation assurée. Europe-Écologie Les verts avaient justement proposé un « RER rennais » à l’occasion des dernières élections municipales. Le problème est que les mêmes lignes sont utilisées pour les liaisons inter-régionales, et qu’augmenter le cadencement de trains « métropolitains » diminuerait d’autant celui des trains régionaux, tout aussi nécessaires. En raisonnant à infrastructures constantes, on risque donc de se lancer dans un jeu à somme nulle, déshabillant Jakez pour habiller Paolig.

C’est là tout l’intérêt de la démarche de l’UDB Jeunes, au-delà de la question de la liaison entre Auray et Saint-Brieuc : pointer le manque d’infrastructures ferroviaires et la nécessité de réhabiliter des lignes, ou d’en ouvrir de nouvelles (pourquoi pas un doublement des voies autour de Rennes, Nantes et Brest pour assurer la coexistence des transports métropolitains et des transports régionaux ?). Des travaux qui nécessiteraient, ne nous le cachons pas, des investissements conséquents, donc des dépenses supplémentaires. Où trouver cet argent ? On peut bien sûr répondre que la Bretagne aura plus de moyens une fois devenue autonome, mais vu le résultat de la « réforme territoriale », ce n’est pas pour demain !

Un autre projet a aspiré une quantité phénoménale d’argent public : le projet « Bretagne Grande Vitesse », dont le but principal était de rapprocher la Bretagne (et surtout Rennes) de Paris. Du point de vue d’un cadre rennais devant se rendre régulièrement à Paris pour des réunions d’affaires, gagner une demi-heure sur chaque trajet apporte sans doute un confort supplémentaire. Mais pour un habitant de Montreuil-sur-Ille devant aller travailler à Rennes tout les jours, ou pour un retraité du Centre-Bretagne devant se rendre à l’hôpital de Loudéac, l’intérêt de BGV est beaucoup plus limité, voir carrément nul. Financer les trajets rapides entre quelques centres-villes ou réinvestir dans nos infrastructures pour refaire du train le transport du quotidien ? Il y a là un choix politique. L’organisation de la marche de l’UDB Jeunes à quelques mois des prochaines élections régionales n’est d’ailleurs sans doute pas un hasard de calendrier !

On sait déjà que Christian Guyonvarc’h, élu en région Bretagne administrative et adjoint à Guipavas, marchera sur une partie du parcours, ainsi que Nil Caouissin, porte-parole de l’UDB. L’inconnu reste la participation de personnages politiques non affiliés à la gauche autonomiste, qui pourraient trouver là une occasion de défendre leur point de vue sur l’avenir des transports en Bretagne, par exemple à l’occasion des deux débats prévus (voir ci-dessous).

(1) L’avantage d’une voiture individuelle ou d’un camion est de demander assez peu d’énergie au démarrage. En revanche, ils sont moins performants que le train sur de longs trajets, notamment parce que leur adhérence au sol est plus forte (les trains glissent sur les rails, là où les pneus frottent le bitume), et parce qu’un train bénéficie d’une forte vitesse acquise une fois lancé.

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Programme de la marche

Vendredi 10 juillet : Débat en breton au restaurant « Gare et vous » près de la gare d’Auray, à partir de 10h. Rassemblement devant la gare à partir de 12h pour soutenir les marcheurs. Départ à 13h. Arrivée à Baud prévue pour 20h.

Samedi 11 juillet : Départ de Baud à 9h30, arrivée à Pontivy vers 19h. Dès 18h30, rassemblement devant l’ancienne gare de Pontivy, en présence notamment de Martine Auffret (élue à Cléguerec et suppléante de Christian Derrien aux dernières élections départementales).

Dimanche 12 juillet : Départ de Pontivy à 9h30, arrivée à Loudéac vers 18h30. A 19h, débat en français sur les transports en Bretagne et le rôle des collectivités territoriales.

Lundi 13 juillet : Départ de Loudéac à 9h30, arrivée à Plaintel prévue pour 19h.

Mardi 14 juillet : Départ de Plaintel à 9h30, arrivée à Saint-Brieuc prévue pour 13h30. Dans l’après-midi, Conférence de presse en présence des marcheurs et temps convivial au local de l’UDB (9 rue Pinot Duclos).

Voir sur le site : www.udbjeunes.com

> Serge Le Meur