La multinationale Bouygues Travaux Publics est en procès pour embauche de travailleurs non-déclarés sur le chantier de lʼEPR à Flamanville
Dans son numéro de juin 2015 au titre évocateur (« toujours plus inégaux »), le journal Alternatives économiques consacre un dossier au dumping social en Europe. Selon Cédric Vallet, lʼauteur de lʼarticle « lʼEurope minée par le dumping social », « le détachement de quelque 1,3 million de salariés donne lieu à quantité dʼabus » parmi lesquels du travail au noir, des conditions de travail déplorables, des conditions dʼaccueil pas meilleures…
Depuis 1996 existe une directive européenne permettant le « détachement de travailleurs » du pays dʼorigine vers un pays de travail. Les travailleurs sont payés au salaire du pays dʼaccueil et sont soumis au droit du travail de ce pays. En ce qui concerne la sécurité sociale, par contre, cʼest le pays dʼorigine qui la prend en charge ainsi que les cotisations sociales salariales et patronales. Toujours selon Alternatives économique, la France a détaché 123580 travailleurs en 2013 et en a reçu 182219. Le nombre total de travailleurs détachés en Europe sʼest accru « de 27 % entre 2010 et 2013, passant de 1,05 million à 1,34 million ». Un chiffre sous-évalué du fait des détachements illégaux qui se monteraient à plus de 200000 personnes !
En 2014, une réforme a été opérée, mais elle ne va pas assez loin et le dumping sʼaccélère. Le gouvernement français a pris le sujet à bras le corps et a cherché à combattre ce problème en inscrivant un amendement dans le projet de loi Macron. Il serait prévu que l’amende maximale pour fraude au détachement soit portée à 500000 € au lieu de 150000 € et que les fraudeurs ne bénéficient plus d’aucune exonération de cotisations sociales. Mais il est fort probable que même l’État, via ses appels d’offres, soit compromis dans cette utilisation abusive de travailleurs détachés ! Le journal Les échos indique que « dans le BTP, selon un rapport sénatorial, un Polonais détaché reviendrait 30 % moins cher qu’un Français. »
À première vue, on pourrait donc être tentés de dire que lʼhypothèse du « plombier polonais » (expression très en vogue en 2005) venu voler le travail des français est réelle. La réalité, cʼest que ce plombier est exploité et quʼil sert surtout à enrichir les multinationales (y compris française) qui les emploient à un coût réduit (puisquʼelles ne paient pas les cotisations réelles). On ne compte plus non plus les entreprises dont le siège sʼinstalle fictivement dans des États aux conditions fiscales avantageuses. La solution nʼest pas aisée, mais il est plus que temps dʼharmoniser les conditions salariales par le haut dans tous les États de lʼUnion en commençant par imposer la création dʼun salaire minimum dans chacun dʼentre eux. Sans cela, l’Union européenne ne sera qu’une arène où les États membres continueront à se faire la guerre… économique !