Denis Jaffré, apiculteur: « À Landivisiau, les abeilles sont un marqueur de la liberté d’expression ! »

Ruches HDV Landivisiau (2)

Ruches sur le toit de la mairie de Landivisiau

Denis Jaffré est apiculteur. Depuis quatre ans, il s’occupait de trois ruches lui appartenant situées sur le toit de mairie de Landivisiau. Le 17 avril dernier, il a reçu une lettre recommandée avec accusé de réception de Mme Claisse, maire de la commune, lui signifiant que ses ruches devaient être évacuées du toit de la mairie. Le Peuple breton a interrogé Denis Jaffré à ce propos.

Le Peuple breton: Pour quelles raisons vous a-t-on demandé de retirer vos ruches du toit de la mairie de Landivisiau ?

Denis Jaffré: Je ne vois qu’une raison politique, celle de me faire payer mon opposition publique au projet de centrale à gaz. Mme Le Maire m’accuse de m’enrichir avec ces ruches, mais je rappellerai que ces installations se font toujours à titre gracieux et que celles de l’Hôtel de ville de Landivisiau n’y ont pas fait exception. La convention signée en date du 22 mai 2011 spécifiait ce fait mais aussi l’acquisition possible par la municipalité de partie ou totalité de la récolte. Chacun sait aussi que le montant récolté ne représente pas un bénéfice pour un producteur professionnel mais un chiffre d’affaires partiel. Et si le métier d’apiculteur était si facile et si rémunérateur, cela se saurait, car la France, en 2014 n’a pu produire que le ¼ de sa consommation annuelle.

PB: On sait justement que le métier d’apiculteur n’est pas facile en ce moment avec la prolifération et la multiplication des nids de frelons asiatiques…

DJ: C’est exact. Depuis trois ans, je suis administrateur d’une association nationale de lutte sélective et écologique contre le frelon asiatique (Vespa Velutina) dont le siège est à Bordeaux. À ce titre, et pour la Bretagne, je mène des actions de sensibilisation, de prévention et de nombreux articles de presse ont relaté ces aspects de la problématique. Les ruches qui étaient sur la mairie de Landivisiau servaient surtout à cet exercice de pédagogie que je réalise aussi avec la mairie et un collège de Brest, ainsi qu’un autre collège, à Plouzané. Il faut savoir que les colonies de frelon asiatique explosent en Bretagne. Rien que pour le Finistère, alors que l’on comptait 15 nids recensés en 2013, ils passaient à 260 en 2014 et j’estime qu’ils pourraient atteindre, voire dépasser les 2000 à la fin de cette année…

PB: Vous demandez donc un plan de lutte contre le frelon asiatique ?

DJ: Oui, j’ai écrit à Mme Claisse en ce sens pour la commune de Landivisiau, ainsi qu’au Préfet du Finistère pour leur faire part de ma crainte de voir ce frelon coloniser complètement l’environnement. À ce jour, il existe des piégeages des fondatrices très controversé car non sélectif [il piège d’autres insectes]. Rien que pour Landivisiau, la destruction des nids aura, en 2015, pour les particuliers concernés un coût de 1500 euros (minoré).

Une autorisation temporaire d’utilisation du dioxyde de souffre, suite à avis favorable de l’ANSES (saisine n°2013-SA-0110 du 14/06/2013), avait été obtenue pour deux mois en automne 2013 et au sein de l’association, nous nous battons pour pouvoir continuer à utiliser cette substance pour la destruction des nids. Je continue de l’utiliser occasionnellement car ce produit est le seul à ce jour à avoir un effet foudroyant et à ne pas produire d’effets indésirables sur l’environnement. Je ne comprends pas qu’il existe des dispositifs d’État pour lutter contre les espèces exotiques envahissantes que sont les ragondins, rats musqués, vison d’Amérique ou tortue de Floride, mais aucune mesure de régulation contre un prédateur de pollinisateurs et un danger sanitaire pour les population ! Faut-il attendre qu’un enfant confonde un nid de frelons avec un ballon dans la haie au fond du jardin et qu’il se fasse agresser massivement pour que de vraies mesures soient enfin prises ?

PB: Comment voyez-vous l’avenir ?

DJ: D’autres ruchers pédagogiques sont en cours d’installation, à la Maison de la rivière à Sizun, à l’École Navale à Lanvéoc et d’autres suivront mais si de nouvelles ruches doivent rejoindre prochainement le toit de l’Hôtel de Ville de Landivisiau, on peut imaginer que « l’apiculteur » concerné sera favorable au projet de centrale de Landivisiau et donc animé de peu de considération environnementale. Pour le dossier frelon, je poursuis mes actions sur un axe plutôt politique avec de nombreux contacts dans les semaines à venir et des actions de terrain et pédagogiques.

> Gael Briand

Journaliste. Géographe de formation, Gael Briand en est venu au journalisme par goût de l'écriture et du débat. Il est rédacteur en chef du magazine Le Peuple breton depuis 2010. Il a également écrit « Bretagne-France, une relation coloniale » (éditions Ijin, 2015) et coordonné l'ouvrage « Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles » (Skol Vreizh, 2015). [Lire ses articles]