Pourquoi les nationalistes écossais ont surpassé le Plaid Cymru ?

wood et sturgeon

Leanne Wood, leader du Plaid Cymru et Nicola Sturgeon, leader du SNP

Avertissement : ceci est une traduction de l’article de Mari Wiliam et Andrew Edwards que vous pourrez lire ici.

Imaginez un scénario post-apocalyptique, où l’équipe de rugby galloise aurait été battue 56-3 par l’Écosse. Au coeur du spectre apocalyptique d’un Millennium Stadium vide il y aurait des remous pour que l’entraîneur soit limogé, l’équipe démantelée et les tactiques radicalement remaniées.

Maintenant, remplacez cette vision par la performance récente du Plaid Cymru à l’élection générale de 2015. Le simple fait de reconduire ses trois députés dans les bastions galloisants semble dérisoire en comparaison du bonus de 56 sièges, savouré par le SNP. Et la part de 12,1 % du Plaid dans le vote Gallois a été occultée par les 50 % du SNP dans l’électorat écossais. Par conséquent, alors que le SNP est de loin le plus grand parti en Écosse, le Plaid reste à la quatrième place au Pays de Galles derrière les travaillistes, les conservateurs et l’UKIP, et apparemment incapable de profiter de nombre des opportunités qui s’offraient à lui, à savoir :

– La dynamique positive induite par la popularité du SNP dans la foulée du référendum sur l’indépendance.

– La capitulation des libéraux-démocrates.

– La léthargie de la campagne des travaillistes et la « grosse tête » attrapée par Miliband (Marmite factor ?).

– L’exposition inédite dont a bénéficiée Leanne Wood lors des « débats des leaders » (télévisés).

Contrairement à certains de ses homologues, Leanne Wood n’a pas été expédiée à la casse (des dirigeants). En fait, les analyses de la prestation du Plaid ont encencé sa manière de faire. Un député du Plaid est allé jusqu’à suggérer qu’elle dispose désormais du potentiel « énorme » pour incarner une solution de remplacement du Premier ministre du Pays de Galles (Welsh Assembly).

La « Borgenisation » réussie de l’image de Wood, la conviction de son discours dans la campagne au Pays de Galles et sa complicité avec Nicola Sturgeon du SNP expriment la revitalisation de la marque « Plaid Cymru ». Divers sondages ont montré que Wood était la personalité politique galloise la plus appréciée et aussi celle qui représentait le mieux les Gallois.

Et pourtant, il est clair que la popularité de Wood ne s’est pas transformée en un déluge de votes. En fait, sa notoriété – combinée au dynamisme de « cybernats » sur les réseaux sociaux – explique bien la surestimation des chances du Plaid. La réalité est que la reconduction de ses trois élus, et les 229 voix manquantes pour conquérir Ynys Môn (ile de Mona) l’une de ses circonscriptions cibles , est loin d’être un désatre.

Est-ce que cela a été un combat loyal ?

Traditionnellement, ni le SNP ni le Plaid n’obtiennent des résultats spectaculaires aux élections de Westminster, mais le professeur Laura McAllister a suggéré que ces partis ne sont pas « les deux faces d’une même médaille ». Bien que les deux partagent désormais les mêmes aspirations à l’indépendance et à des politiques progressistes de centre gauche, les identités respectives de l’Écosse et du Pays de Galles sont, historiquement, très différente. Le fait que Plaid n’ait pas été propulsé par le tourbillon SNP n’est pas vraiment si surprenant, après tout.

En premier lieu, l’union de l’Écosse et de l’Angleterre a été réalisée sur un meilleur pied d’égalité que les actes d’union qui ont « incorporé » le Pays de Galles au 16ème siècle. Et l’Écosse a conservé de nombreux aspects importants de son statut d’État, tels que le droit écossais et un système éducatif séparé. Cela lui a permis de creuser l’écart avec le Pays de Galles en termes de dévolution administrative : le Pays de Galles a obtenu son premier Secrétaire d’État en 1964 ; l’équivalent écossais avait été établi au cours du 19ème siècle.

Cela a accoutumé les écossais à un sens plus assumé de l’identité civique, ce qui, combiné avec l’antienne des années 70 : « le pétrole de l’Écosse », a simplement cantonné les Gallois dans un jeu de rattrapage constitutionnel. Sans surprise, lors des deux référendums de 1979 et de 1997, la dévolution s’est avérée beaucoup plus attrayante pour les électeurs écossais que pour ceux du Pays de Galles.

Un jeu de langage

Depuis ses débuts dans les années 30, le SNP a été plus motivé par la réforme constitutionnelle que par le désir de renforcer la spécificité culturelle de l’Écosse. En revanche, les objectifs du Plaid Cymru découlaient de la crainte du déclin de la langue qui souvent l’aliénait de la majorité non-galloisante de la population, et a conduit aux allégations non fondées qu’il était « fasciste ».

Dans ses mémoires, Winnie Ewing du SNP se souvenait d’avoir dit à Gwynfor Evans, le leader du Plaid Cymru, qu’elle enviait le « patrimoine linguistique » du Pays de Galles. Elle fut plutôt surprise par sa réponse : « contrairement au Pays de Galles, le soutien au SNP pourra provenir de toutes parts, telle une réponse patriotique auto-construite qui ne dépendra pas uniquement de la langue ».

Qui plus est, les valeurs britanniques et anglo-centrées ont conservé une plus grande emprise sur le Pays de Galles. La récente élection a témoigné des contrastes drastiques dans le vote UKIP, qui obtient 13,6 % des suffrages au Pays de Galles, mais en grappille seulement 1,6 % en Écosse. Et tandis que travaillistes et conservateurs échouaient apparemment à mettre au point la dévolution au nord de la frontière – permettant ainsi au SNP de siphonner le vote de protestation populiste – ces deux partis surent promouvoir et cultiver leurs références « galloises ».

La question est maintenant, quel avenir pour le Plaid ? Alors que le succès de l’UKIP suggère – au moins en partie – l’échec du Plaid à attirer le vote de la classe ouvrière désabusée par les travaillistes, il y a aussi des craintes de certains de ses partisans qu’il a abandonné du centre du terrain aux conservateurs renaissants. Et comme l’Assemblée galloise a acquis de nouvelles compétences, le soutien à l’indépendance du Pays de Galles a également diminué : à 6 % selon le dernier sondage de la St David, mais plutôt 3 % la suite au référendum sur l’indépendance écossaise.

Avec Leanne Wood – une socialiste du Rhondda – à sa tête, les élections de 2016 à l’assemblée galloise seront le baromètre ultime de la capacité du Plaid à transcender son image historique de groupe de pression pour la langue. Si le Plaid ne parvient pas à faire une démonstration forte, il témoignera de son incapacité à imiter le large ratissage du SNP. Mais, il mettra également en évidence que les dragons gallois et les lions écossais sont très loin d’appartenir aux mêmes espèces.

> Gwenael HENRY

Gwenael Henry vit à Lézardrieux. Il est membre du bureau politique de l'UDB.