
La réforme du collège proposée par la Ministre de lʼÉducation Nationale, Najat Vallaud Belkacem, a fait couler beaucoup dʼencre. On a notamment eu vent du sort réservé au latin et au grec sur les médias nationaux. On entend un peu moins parler du sort de nos langues dites « régionales »…
Pourtant, comme l’affirment toutes les associations d’enseignants ou de parents d’élèves mobilisées sur ce sujet, le risque est grand de voir détricotée l’avancée opérée par la loi « Peillon » de 2013, « de refondation de l’école », octroyant une place à l’enseignement de ces langues « dans les régions où elles sont en usage », « tout au long de la scolarité » (article L 320-10 du code de l’éducation). Selon Gustave Allirol, président de la fédération Régions et Peuples solidaires et conseiller régional en Auvergne, « en contradiction avec ce texte, le projet actuel vise à cantonner la place des langues régionales au collège aux « enseignements pratiques interdisciplinaires » (EPI), à partir de la cinquième seulement (comme pour les langues anciennes). C’est là abandonner et la possibilité d’un enseignement à part entière et la faculté d’y avoir droit dès la 6ème, en continuité avec l’enseignement primaire quand celui-ci est effectif ».
Est-ce à dire que les élèves ayant débuté la pratique du breton, du basque, de lʼoccitan, du corse, de lʼalsacien ou de tout autre langue seraient obligés de faire une pause forcée en 6ème ? Cʼest aussi la crainte de Paul Molac et Armand Jung, co-présidents du groupe dʼétudes « langues régionales » à lʼAssemblée Nationale.
Dans une lettre adressée à Mme la Ministre datant du 20 mai 2015, ils attirent lʼattention sur lʼarticle 8 du projet d’arrêté relatif à l’organisation des enseignements dans les classes de collège qui propose la poursuite, après le primaire, de l’enseignement d’une langue vivante autre que l’anglais dès la classe de 6ème. « Cette disposition ne fait, pour l’instant, référence qu’aux langues étrangères », expliquent-ils. « Nous vous demandons de compléter cet article afin d’y faire également figurer les langues régionales afin que les filières bilingues français-langue régionale soient bien prises en compte dans la réforme ».
Autre problème, l’enseignement optionnel des langues régionales. Alors que lʼenseignement commence soit en 6ème, soit en 4ème aujourdʼhui, la réforme prévoit d’inclure cet enseignement soit dans les enseignements de pratiques interdisciplinaires (article 5), soit dans les enseignements dits de complément (article 7). Or, les enseignements de complément ne commencent qu’en classe de 5ème ! « Cela n’a pas de sens car, cet enseignement commençant dès l’école primaire, cela obligerait les élèves à arrêter cet apprentissage pendant un an, en classe de 6ème. Nous souhaitons donc attirer votre attention sur la nécessaire articulation de cet enseignement à prévoir entre le primaire et le secondaire », plaident les députés.
Enfin se pose la question des moyens consacrés aux langues régionales. Les députés précisent que « cet enseignement fait aujourdʼhui lʼobjet de dotations dédiées, hors DHG (dotation horaire globale). Certains chefs dʼétablissements pourraient être tentés de supprimer purement et simplement ce type dʼenseignement lors de la mutualisation de ces heures dans la DHG ».
Dans un autre courrier à Mme Vallaud Belkacem, Paul Molac enfonce le clou : « votre ministère a annoncé que les langues régionales pourraient être enseignées sur les moyens des établissements, en complément des EPI une heure en 5ème et 2 heures en 4ème et 3ème. Quels moyens auront les établissements pour proposer cet enseignement, si cela doit se faire sur leurs propres dotations horaires ? »